TECHNIQUE

Désinfection du sol par la solarisation en cultures légumières


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Système de solarisation sous abris

Crédit : INRAE

Aboutie
Dernière modification : 20/08/2021
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1. Présentation


Caractérisation de la technique

Description de la technique :

Fiche initialement créée à partir du guide pratique pour la conception de systèmes de culture légumiers économes en produits phytopharmaceutiques (2014, Fiche technique T8), puis enrichie en 2021 par le Groupe Technique Adventices du GIS PICLEG.

 

Principe

La solarisation est une technique culturale qui permet de désinfecter les couches superficielles du sol (jusqu’à environ 30 cm) pour détruire certains bioagresseurs (adventices et bioagresseurs telluriques). Elle consiste en par la mise en place d’un film plastique induisant permettant une élévation de la température (jusqu’à 40°C à 50°C ou plus sous abri) sous l’effet du rayonnement solaire. Elle est surtout pratiquée pour des cultures sous serre, en étant toutefois aussi applicable sur de petites surfaces en plein champ, et constitue une alternative au désherbage chimique (glyphosate avant culture par exemple) ou à la désinfection chimique (métam sodium par exemple).

Attention toutefois, la solarisation nécessite un ensoleillement important et ne peut donc généralement être pratiquée qu’en été (voir détails ci-dessous). Elle ne peut donc être envisagée que dans des parcelles qui ne sont pas cultivées pendant l’été sur une certaine durée (60 jours en plein champ).

 

Matériel et conditions nécessaires pour la mise en œuvre

          Caractéristiques du film plastique utilisé

Le plastique utilisé doit être transparent, en polyéthylène de 30 à 50 μm d’épaisseur, non perforé, traité anti-UV et résistant à 700 heures d’ensoleillement (spécial solarisation). La largeur du plastique doit être celle du tunnel, plus 50 cm. En plein champ, des bâches de 3,60, 4,70 ou 5,80 m peuvent être utilisées.

 

          Préparation du sol

Le sol doit être travaillé sur 25 à 30 cm de profondeur avec une structure fine et régulière comme avant un semis ou une plantation (passage de sous-soleuse, rotobêche, rotavator ou herse rotative). Le passage d’un rouleau est par la suite indispensable  pour bien aplanir le sol et ainsi optimiser le contact avec le paillage plastique.

Le sol doit également rester humide pendant toute la durée de la solarisation, ceci afin d'assurer une bonne conduction de la chaleur en profondeur. Un arrosage par aspersion apportant de 50 à 80 mm (voire plus selon le sol) et permettant de faire le plein en eau du sol sur 50 cm de profondeur (quantité en fonction du type de sol) doit être réalisé avant la pose du plastique.

 

          Pose du film plastique

Il faut attendre le lendemain ou le surlendemain, que le sol soit un peu ressuyé, avant de poser la bâche plastique. Elle doit être bien tendue et plaquée au sol. Une courte aspersion après la pose permet un meilleur plaquage du plastique. Afin d’empêcher la pousse des mauvaises herbes, il faut éviter tout passage d’air sous le plastique ou creux dans le sol.

 

          Fermeture des serres

En cas de cultures sous abri, pour avoir une montée rapide en température, il est conseillé de laisser les serres fermées pendant quelques jours en évitant cependant les trop fortes températures qui pourraient endommager les équipements et notamment certaines installations d’irrigation. Pour cela, il est recommandé de laisser par exemple une aération au faîtage (environ 20 cm) afin d’avoir un effet « cheminée ».

 

          Durée de mise en place

Lors de l’installation, il est impératif d’avoir au moins 3 jours consécutifs ensoleillés pour une élévation rapide de la température et pour éviter le développement trop poussé de certaines adventices. Il faut laisser le film plastique en place pour une durée minimale de 45 jours pour les cultures sous abri et de 60 jours pour les cultures en plein champ.

 

          Fin de la solarisation

La solarisation doit être stoppée le plus tard possible avant la remise en culture, en retirant tout d'abord la bâche plastique. Le sol doit ensuite être travaillé superficiellement (maximum 10 cm) pour éviter la remontée des couches de sol avec des bioagresseurs et des adventices qui n’ont pas pu être détruits par la technique.
La solarisation stimulant la minéralisation de la matière organique, il est conseillé de contrôler la teneur d’azote dans le sol et d’ajuster en conséquence la fertilisation azotée.

Pour finir, si le plastique utilisé n'est pas réutilisable, son recyclage doit être prévu via une filière agrée (voir consigne de tri de l'ADIVALOR).

 

          Efficacité contre les bioagresseurs

La solarisation est une technique de lutte préventive efficace contre de nombreux bioagresseurs : larves d’insectes, nématodes, champignons.

Elle est également efficace contre de nombreuses adventices. L’humidité et la chaleur apportées par cette technique permet en effet aux graines de germer au cours des premiers jours suivants la mise en place du dispositif. Au cours des semaines suivantes, les jeunes plantules seront ensuite détruites par l’élévation de température excessive. La technique est ainsi efficace contre les graines enfouies peu profondément. Cependant, les adventices à des stades plus avancés, les vivaces, les adventices à multiplication végétative et graines d’adventices enfouies plus en profondeur, seront moins affectées et pourront survivre.

 

Légende : 1- faible efficacité ; 2 - efficacité moyenne ; 3 - bonne efficacité

Source : Désherbage alternatif en maraîchage - Méthodes préventives. Chambres d'agriculture de l'Ain, 2016

 

Exemple de mise en oeuvre

 

Précision sur la technique :

En France, la période la plus favorable pour la mise en place de cette pratique se situe entre le 15 juin et le 15 juillet du fait  de l’ensoleillement. Il est conseillé de réaliser une solarisation tous les 2-3 ans en entretien et au moins deux années consécutives si le sol est très contaminé. La technique a été employée avec succès dès le 15 avril en zone continentale.

Pour obtenir une bonne efficacité de la solarisation il faut être dans un lieu où l’ensoleillement dépasse 250 heures par mois (> 120 à 130 kJ/cm²). Le Sud-est de la France et la côte Ouest sont les régions les plus propices pour mettre en œuvre cette technique (voir cette carte des zones où la solarisation est possible).

La mise en place d’un couvert végétal d’interculture ayant des propriétés biocides (bio-fumigation) avant la solarisation peut accentuer l’efficacité de celle-ci (méthode en cours d’expérimentation).

Cette technique améliore d'ailleurs l'homogénéité de la levée des adventices, ce qui augmente l'efficacité d'un binage ultérieur.



Période de mise en œuvre
Pendant l'interculture

Cette technique impose de libérer la parcelle pendant l’été ce qui interdit les cultures longues de printemps-été (tomate, aubergine, poivron…). Sous abri, elle est souvent positionnée après une culture courte (courgette, melon, concombre…) ou après une culture tardive de salade.

Toutefois, si les conditions météorologiques le permettent, il est possible de commencer la solarisation mi-juin pour enlever les bâches plastiques fin juillet. Ainsi, il serait possible de planter au mois d'août.



Echelle spatiale de mise en œuvre
Parcelle

Comme la technique impose de ne pas produire pendant l'été, elle est souvent positionnée sur une partie seulement de l’exploitation (par exemple un groupe de tunnels), en alternance selon les années.



Application de la technique à...

Toutes les productions : Facilement généralisable

Comme elle intervient en inter-culture, elle peut être suivie et précédée par toutes cultures

Les limites sont :

  • la localisation des parcelles : que ce soit sous abri ou en plein champ, la solarisation n’est pas envisageable dans des régions où l’ensoleillement en été est inférieur à 250 heures par mois ;

  • la période d’interculture : la solarisation ne peut pas être réalisée dans les parcelles qui portent toujours des cultures en été ;

  • l'efficacité : si la période d'ensoleillement est insuffisante (été pluvieux), certains bioagresseurs ne seront pas détruits ce qui va pénaliser les cultures sensibles.



Tous les types de sols : Facilement généralisable

Elle est utilisable dans tous les types de sol. Toutefois, si le sol est filtrant, il faut prévoir sous la bâche des rampes d’irrigation goutte à goutte pour maintenir l’humidité du sol.



Tous les contextes climatiques : Pas généralisable

Cette est technique mobilisable et efficace dans les zones à fort ensoleillement en été (> 250 heures par mois).



Réglementation

L'utilisation d'un film de solarisation, au moins partiellement sur la parcelle, fait l'objet d'une fiche CEPP (action n°36 : Désinfecter partiellement le sol au moyen d’un film de solarisation).




2. Services rendus par la technique


Régulation et gestion des adventices

Gestion des maladies

Gestion des ravageurs

Fourniture de nutriments


3. Effets sur la durabilité du système de culture


Critères "environnementaux"

Effet sur la qualité de l'air : En augmentation

Diminution des transferts de polluants vers l’air grâce à la réduction des fumigants et des herbicides



Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation

Diminution des transferts de polluants vers l’eau grâce à la réduction des fumigants et des herbicides



Effet sur la consommation de ressources fossiles : Variable

Augmentation indirecte et directe des consommations en énergie, due à la fabrication du plastique, à sa mise en place et à son recyclage. Cependant, moins d'intrants phytopharmaceutiques sont également fabriqués et utilisés (moins de passages pour leur application). De plus, les sols sont souvent aussi bâchés de plastique après application des produits phytosanitaires de désinfection ; il n’y a donc pas nécessairement une augmentation des besoins en films plastiques.




Critères "agronomiques"

Productivité : Variable

Il y a un effet positif sur la productivité car la technique permet de diminuer les populations de certains bioagresseurs (maladies, ravageurs et adventices), et donc leurs pressions lors des cultures suivantes. Attention toutefois, certains bioagresseurs enfouis en profondeur (certains champignons ou graines d’adventices) ou pouvant migrer en profondeur (certains nématodes) peuvent ne pas être affectés par cette technique de désinfection.

L'impact négatif de cette méthode réside aussi dans le fait qu'elle limite la possibilité de produire en été, donc la productivité globale de la parcelle se voit affectée.


Qualité de la production : En augmentation

Effet positif sur la qualité de la production à condition que la technique soit efficace contre les bioagresseurs visés.



Fertilité du sol : Variable

L’augmentation de la température induite par la solarisation peut stimuler la minéralisation de la matière organique, améliorant ainsi la fertilité du sol pour la culture suivante.

Attention toutefois, cet effet peut se réaliser au détriment de la vie biologique du sol et donc de sa fertilité sur le long terme.



Stress hydrique : Pas de connaissance sur impact
Pas de connaissance sur impact

Biodiversité fonctionnelle : En diminution

Comme d’autres méthodes de désinfection du sol, la solarisation n’est pas sélective et a un impact potentiel négatif sur la biodiversité du sol et les équilibres microbiens. Une étude a ainsi déjà montré un impact négatif sur le long terme sur les biomasses microbiennes et en vers de terre (pour plus de détails, voir cette étude menée en 2016 par le groupement Bio de Haute-Garonne).




Critères "économiques"


Charges opérationnelles : En augmentation

Prix de mise en place (main-d’oeuvre et plastique) entre 1 500 à 2 000 €/ha



Charges de mécanisation : En diminution

Economie des passages nécessaires pour les produits phytosanitaires que remplace la solarisation.



Marge : En diminution

Cette technique prend la place d’une culture d’été pouvant ainsi entraîner une perte économique.

Cependant, à terme la marge peut augmenter si la technique permet de limiter un problème sanitaire important.




Critères "sociaux"


Temps de travail : Variable

Il y a une diminution du nombre de passages pour le désherbage et la protection des cultures, mais mise en place d'un dispositif assez chronophage, d'environ 70 h/ha : préparation du sol, pose et retrait du film plastique.



Période de pointe : Variable

Il y a une augmentation du temps de travail pour la mise en place mais diminution du nombre de passages pour le désherbage et la protection des cultures.





4. Organismes favorisés ou défavorisés


Bioagresseurs favorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions

Bioagresseurs défavorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions
Olpidium brassicae agent pathogène (bioagresseur) Sur culture de salades
adventices FORTE adventices
fusarium solani agent pathogène (bioagresseur) Sur culture de courgettes
nématode (bioagresseur) MOYENNE ravageur, prédateur ou parasite Efficacité partielle : les nématodes peuvent échapper à la solarisation en migrant en profondeur
pythium agent pathogène (bioagresseur) Sur culture de salades
rhizoctone brun agent pathogène (bioagresseur) Sur culture de salades et de melons
sclérotinia agent pathogène (bioagresseur) Sur culture de salades et de melons

Auxiliaires favorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions
Trichoderma Organismes fonctionnels du sol Les Trichoderma (champignons saprophytes utiles car ils empêchent le développement de certaines maladies racinaires des cultures légumières) sont préservés.

Auxiliaires défavorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions
Araignées FORTE Ennemis naturels des bioagresseurs Tous les auxiliaires qui effectuent une partie de leur cycle biologique dans le sol peuvent être impactés par cette technique (carabidés, araignées, staphylins…), ainsi que certains hyménoptères pollinisateurs qui vivent dans le sol tels que les osmies.
Carabes prédateurs et granivores FORTE Ennemis naturels des bioagresseurs Tous les auxiliaires qui effectuent une partie de leur cycle biologique dans le sol peuvent être impactés par cette technique (carabidés, araignées, staphylins…), ainsi que certains hyménoptères pollinisateurs qui vivent dans le sol tels que les osmies.
Champignons (auxiliaire) FORTE Ennemis naturels des bioagresseurs Les champignons antagonistes naturellement présents dans le sol sont impactés par la technique (coniotirium sp. par exemple)
Staphylins FORTE Ennemis naturels des bioagresseurs Tous les auxiliaires qui effectuent une partie de leur cycle biologique dans le sol peuvent être impactés par cette technique (carabidés, araignées, staphylins…), ainsi que certains hyménoptères pollinisateurs qui vivent dans le sol tels que les osmies.

Accidents climatiques et physiologiques favorisés

Organisme Impact de la technique Précisions

Accidents climatiques et physiologiques défavorisés

Organisme Impact de la technique Précisions


5. Pour en savoir plus

Janvier C. et al.
CTIFL, Brochure technique, 2012
Izard D.
Aprel - Grab, Brochure technique, 2011
Ferrier J-D.
Chambre d'agriculture de l'Ain, Brochure technique, 2016
ADIVALOR
Brochure technique
SUPAGRO, Site Internet
Mazollier C. (GRAB)
Chambre régionale d'agriculture PACA, Brochure technique, 2009

6. Mots clés


Méthode de contrôle des bioagresseurs : Contrôle cultural
Mode d'action : Action sur le stock initial
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides : Substitution
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Contributeurs

20/08/2021
11/01/2018
Paola SALAZAR - INRA - Rennes (35000)
ingenieur - paola.salazar@inra.fr

03/01/2018
01/12/2017
Sébastien Picault - CTIFL - Carquefou (44470)
ingenieur - picault@ctifl.fr

11/09/2017
Lola Leveau - Irstea - Clermont-Ferrand (63000)
ingenieur - lola.leveau@irstea.fr