Lutter contre les ravageurs avec les plantes de services en cultures légumières
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1. Présentation
Caractérisation de la technique
Description de la technique :
Cette technique consiste à introduire (ou préserver) des plantes de services dans un système de culture dans le but de réduire les dégâts occasionnés par les ravageurs (déprédateurs, insectes, nématodes, ...) sur la plante cultivée. On désigne par plantes de services les espèces végétales présentes dans une parcelle de production (ou à proximité) et qui offrent un ou plusieurs avantages biologiques à la culture principale en place ou aux cultures principales arrivant plus tardivement dans la succession culturale.
Les plantes de service peuvent avoir une action directe sur les ravageurs (utilisation de plantes repoussant ou détournant les ravageurs de la culture ou de plantes empêchant les ravageurs de s'installer dans la culture) ou une action indirecte (utilisation de plantes favorisant les processus de régulation naturelle). Elles peuvent être présentes naturellement dans la parcelle de production ou y être introduites volontairement. Elle peuvent être mises en place sur le court terme (plantes de service temporaires) ou sur le long terme (plantes de service pérennes). Au-delà de contribuer à la régulation des ravageurs, les plantes de services peuvent également permettre de réguler d’autres bioagresseurs (adventices, maladies), améliorer la structure et la stabilité du sol (fertilité physique et biologique), le cycle des éléments nutritifs ou réguler le climat (stockage du carbone). Eventuellement, la biomasse produite peut être utilisée pour la fourniture d’aliments ou de combustibles. Elles n’ont toutefois pas une finalité productive, les services d’approvisionnement n’y sont pas recherchés en priorité.
Principe :
La mise en place de plantes de services permet de réguler les populations de ravageurs au sein de la zone cultivée par plusieurs mécanismes.
- Les actions directes consistent à implanter des plantes de services qui auront un effet sur le ravageur en le tuant, en l’attirant ou en le repoussant. Elles définissent différents types de plantes de service :
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Les plantes allélopathiques (assainissantes, biocides ou biofumigantes) : Elles ont la capacité à produire des composés biochimiques toxiques qu’elles sécrètent par les racines ou issus de leur dégradation après fauchage, broyage et enfouissement. Ex. Sous serre, l’incorporation de broyats de trois variétés de B. juncea dans des pots de plants de pommes de terre permet une mortalité de 95 % du nématode à kyste Globodera pallida à l’intérieur des kystes (Lord et al., 2011). D’autres exemples notamment avec des œillets d’inde et la moutarde blanche et brune agissant sur les nématodes à gales sont disponibles dans le chapitre de Charles et al (2012) pages 223-224.
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Les plantes pièges : Elles vont attirer puis retenir le bioagresseur pour le détourner de la culture. Les populations de ravageurs sur les plantes-pièges devront être régulées pour éviter leur retour dans la culture. Ex. Le sorgho fourrager Piper serait une bonne plante piège des nématodes à galles du genre Meloidogyne, permettant de diminuer les populations lorsqu’il est détruit et enfoui en rotation avant la fin du cycle du nématode, soit quatre semaines après le semis (Goillon et al., 2016). D’autres exemples de plantes pièges sont disponibles dans l’article de Dijan-Caporalino et al (2009).
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Les plantes répulsives : Elles repoussent certains ravageurs par l’émission de composés (foliaires) de diverses natures selon les familles botaniques et les espèces. Ex. Les oignons utilisés en association avec des cultures de carotte permettent de repousser la mouche de la carotte (Psila rosae) (Uvah et Coaker, 1984).
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La stratégie push-pull par l’association plantes pièges – plantes répulsives. Ex. La mouche du chou peut être repoussée de la culture par l'eucalyptol et attirée par le chou chinois en bordure (Lamy, 2016)
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Les plantes écrans ayant un effet barrières : Elles créent une obstruction physique dans ou en bordure de parcelle pour restreindre le mouvement des bioagresseurs aéroportés à l’intérieur de la culture. Ex. Une culture de courgette entourée de plants de sarrasin (Fagopyrum esculentum) ou de moutarde blanche (Sinapis alba) présente un risque plus faible d’infestation par le puceron Aphis gossypii, ce qui réduit également le risque de transmission du virus PRSV-W (Papaya ringspot virus - type W) (Hooks et al., 1998).
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L’action indirecte consistent à implanter des espèces de plantes qui auront un effet sur les auxiliaires (= insectes utiles qui prédatent ou parasitent les ravageurs) en les attirant par de la nourriture, ou en leur fournissant un habitat :
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Les plantes fleuries (attractives) : Elles ont la capacité d’attirer dans l’agrosystème les ennemis naturels des bioagresseurs grâce à des stimuli visuels ou d’odeurs. Ex. Sur culture de poireau, la présence du mélilot, l’achillée millefeuille et/ou certaines plantes arbustives comme le charme commun permettent d’attirer le thrips, Aeolothrips intermidius, qui est le principal prédateur des thrips phytophages (Picault, 2017).
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Les plantes à habitat/couvert végétal : Elles permettent aux ennemis naturels de se reproduire ou de se réfugier/de proposer une protection physique et microclimatique aux ennemis naturels évoluant au sol.
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Les plantes banques/nourricières : Elles apportent des ressources nutritives animales, autres que les proies habituelles/ des ressources nutritives végétales. Ex. Pour attirer et surtout retenir le parasitoïde Aphidius colemani du puceron Aphis gossypii, ravageur du melon, de la courgette, du concombre et de l’aubergine, l’ajout de la plante banque Eleusine coracana permet d’offrir au parasitoïde un hôte de substitution, le puceron Rhopalosiphum padi qui n’affecte pas les cultures légumières à protéger (Goude et al., 2017).
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Les plantes relais ou réservoirs : Elles permettent d’élever les ennemis naturels sur des plantes de service qui regroupent les différentes stratégies ci-dessus et conserver les populations même hors période de culture. Ex. La bande fleurie annuelle de soucis en serre semée en fin de culture permettrait d’accueillir M. pygmaeus, pouvant gérer les populations d’aleurodes, et leur servir d’abri pendant la période hivernale. A la sortie de l’hiver, les soucis chargés de larves de Macrolophus sont arrachés puis replantés dans la nouvelle culture (Lambion, 2017).
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Les plantes mycorhyzotrophes : Elles permettent d’actionner le réseau mycorhizien et d’actionner un ensemble de processus directs et indirects (compétition, induction des défenses naturelles, stimulation d’exsudats racinaires, etc). Ex. La plante mycorhizotrophe Crotalaria juncea favorise la mise en place de réseaux mycorhiziens qui contribuent à protéger les racines de tomates contre les nématodes (Rodriguez-Heredia et al., 2020).
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➜ Pour plus d’informations sur ces mécanismes ou obtenir d’autres exemples, consultez le guide du CTIFL (2020) ainsi que l’article de Villeneuve et al (2017).
Conditions de réussite :
Il est important de bien cibler le (ou les) ravageurs à réguler ou les auxiliaires à favoriser afin d’orienter le choix des plantes de services à implanter à l’intérieur, en bordure de parcelle, ou dans la rotation.
Précision sur la technique :
Le choix de l’aménagement au sein ou à proximité de la parcelle doit être fait selon le mécanisme de la plante recherché et le type de ravageur ciblé, s’il est aérien ou tellurique :
- Les cultures intermédiaires peuvent favoriser la présence d’insectes auxiliaires qui repousseront ou réguleront les insectes aériens dans la parcelle ou réguler les nématodes par le piégeage ou la biofumigation.
- Les plantes de services implantées à proximité ou associées à la culture principale permettent de réguler les ravageurs aériens en les attirant, les repoussant ou en ayant un effet perturbateur qui les détournera de la culture principale.
Quelques actions, projets, programmes :
Le GIS PIClég a pour objectif de proposer aux producteurs de légumes des systèmes de cultures respectueux de l’environnement et économiquement performants.
Le projet ACOR a pour objectif d’améliorer l’installation des punaises mirides (M. pygmaeus et D. errans) en culture hors sol grâce à l’utilisation des plantes de service.
Le projet REPULSE a pour objectifs d’identifier les plantes répulsives/dissuasives et concevoir des stratégies de protection des plantes contre les thrips, les pucerons et/ou les mouches.
Le projet INTERLUDE travaille sur la conception d’innovations sociotechniques pour permettre l’adoption à large échelle de leviers agroécologiques actuellement verrouillés comme la diversification ou les plantes de service.
Le projet REGULEG avait pour objectif de mettre au point une stratégie de lutte biologique contre les pucerons dans les cultures maraichères d’aubergine, de fraise et de laitue. Une vidéo a été réalisée sur ce projet.
Le projet CREA du Métaprogramme SUMCrop vise à optimiser et promouvoir l’utilisation des plantes de services dans les agrosystèmes.
Le GIEE Phytobiomar a pour objectif la mise en place d’une lutte biologique autonome et collective dans les exploitations maraîchères par la production en commun de plantes réservoirs d’auxiliaires et la création d’un réseau d’échanges d’auxiliaires.
Période de mise en œuvre
Les plantes de services régulent les populations de ravageurs sur la culture principale lorsqu’elles sont en association, en bordure ou installées pendant la période d’interculture.
Echelle spatiale de mise en œuvre
La démarche commence à l’échelle de la parcelle avec les associations ou les cultures intermédiaires et vont jusqu’à l’échelle du territoire avec l’implantation de bandes fleuries afin de réguler des populations de ravageurs.
Application de la technique à...
Toutes les productions : Facilement généralisableLes plantes de services peuvent être utilisées dans diverses cultures dans la mesure où le trio plante de services-culture-ravageur est défini.
Certaines techniques sont généralisables à plusieurs cultures si les ravageurs ciblés ou les auxiliaires à favoriser sont les mêmes. A noter que si les plantes et les auxiliaires visés sont différents, le raisonnement est lui tout à fait généralisable.
Tous les types de sols : Facilement généralisable
Le levier est applicable à tous les types de sol.
Tous les contextes climatiques : Généralisation parfois délicate
Le choix des espèces à implanter en même temps que la culture de rente ou en interculture sont bien évidemment à adapter selon le climat.
Réglementation
2. Services rendus par la technique
Gestion des ravageurs
Gestion des auxiliaires ennemis des bioagresseurs
Gestion des auxiliaires pollinisateurs
3. Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air : En augmentationPar rapport à un sol nu, une tendance à la diminution voire à la suppression des utilisations d’insecticides peut être observée dans certaines situations mais il faut garder à l’esprit que l’intensité des attaques des ravageurs varient d’une année à l’autre et selon les cultures. Un passage peut être envisagé si l’infestation est trop importante.
Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation
Les plantes de services peuvent permettre de diminuer l’application d'insecticides et d'autres produits phytosanitaires. Elles permettent aussi de diminuer l’utilisation d'engrais et limiter le transfert des produits phytosanitaires ainsi que le lessivage/la lixiviation des éléments nutritifs vers les nappes d’eau souterraines en hiver par les pluies.
Effet sur la consommation de ressources fossiles : Variable
Ce critère dépend de la technique, de la conduite et du nombre de passages dans la parcelle (travail du sol, implantation, entretien, destruction) par rapport aux passages de produits phytosanitaires.
Contribution au stockage de carbone dans les sols : En augmentation
Les plantes de services en plein champs permettent de stocker du carbone et donc de limiter les émissions de gaz à effet de serre vers l'atmosphère.
Critères "agronomiques"
Productivité : VariableL’effet observable varie selon la technique mise en place. En effet, l’attraction des abeilles domestiques, des pollinisateurs sauvages ainsi que des auxiliaires pourrait permettre d’augmenter le rendement de la culture de rente mais il faut garder en tête que l’ajout de plantes de service dans un système de culture peut entraîner une compétition pour les ressources et diminuer le rendement (Letourneau et al., 2011).
Qualité de la production : Pas de connaissance sur impact
Fertilité du sol : En augmentation
Les plantes de services améliorent les composantes physiques (diminution du ruissellement, de la battance et de l’érosion), chimiques (amélioration de la disponibilité des éléments nutritifs, diminution de la lixiviation) et biologiques (amélioration de la vie du sol et de la teneur en matière organique) de la fertilité du sol. Leur décomposition permet d’augmenter les teneurs en matière organique du sol.
Stress hydrique : Variable
Selon le type de sol, les conditions climatiques et la nature des espèces implantées, les plantes de services peuvent induire une concurrence hydrique au sein de la parcelle.
Biodiversité fonctionnelle : En augmentation
L’insertion de nouvelles familles de plantes dans le système apporte de la diversité. Par rapport à un sol nu, les plantes de services permettent d'apporter abri et nourriture aux animaux sauvages (oiseaux, petit gibier, ...), auxiliaires ennemis des ravageurs, pollinisateurs ainsi qu'aux organismes du sol (biomasse microbienne, vers de terre, ...).
Critères "économiques"
Charges opérationnelles : Variable
Le coût de l’introduction d’un couvert végétal à des fins phytosanitaires n’est pas négligeable et peut aller entre 510 et 735 €/ha (Brismontier et al., 2009).
Charges de mécanisation : Variable
La mise en place de plantes de services peut nécessiter l’investissement dans du nouveau matériel (semoir, matériel de désherbage mécanique, ...).
Critères "sociaux"
Temps de travail : Variable
Ce critère dépend de la technique mise en place.
Effet sur la santé de l'agriculteur : En augmentation
Par diminution de l’usage d’insecticides et de produits phytosanitaires dans leur ensemble.
4. Organismes favorisés ou défavorisés
Bioagresseurs favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Bioagresseurs défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Mouche de la carotte | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | |
Tuta absoluta | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | |
nématode à galles | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | |
nématode à kystes | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite |
Auxiliaires favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Pollinisateurs | MOYENNE | Pollinisateurs | |
Syrphes prédatrices | MOYENNE | Ennemis naturels des bioagresseurs | |
Thrips prédateurs | MOYENNE | Ennemis naturels des bioagresseurs | |
Vers de terre | MOYENNE | Organismes fonctionnels du sol |
Auxiliaires défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques favorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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5. Pour en savoir plus
6. Mots clés
Méthode de contrôle des bioagresseurs : Lutte biologique
Mode d'action : Action sur le stock initial Atténuation
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides : Reconception