Implanter des cultures pièges à bio-agresseurs
Cette fiche est reliée à d'autres thématiques de la manière suivante :
1. Présentation
Caractérisation de la technique
Description de la technique :
Principe :
Les plantes pièges peuvent attirer puis retenir le bioagresseur pour le détourner de la culture ou réduire les populations en les piégeant sans leur permettre de se reproduire. Elles peuvent être introduites dans la rotation, cultivées en interculture ou implantées avec la culture à protéger (en mélange ou en bordure), dans certains cas avec un décalage de la date de semis. C’est une méthode robuste pour la régulation des ravageurs, qui fonctionne bien si le bon trio : culture-ravageur-plante est identifié et que le ravageur soit polyphage et mobile.
Mécanisme de la plante piège sur les ravageurs au sein de la culture principale (Astredhor, 2018)
Les plantes pièges peuvent être déclinées sous d’autres noms (sensibles, résistantes, faux-hôtes, …) selon les filières et les modes d’action mis en œuvre : les plantes pièges sensibles (pour pouvoir être contaminées) doivent être détruites complètement avant que les ravageurs n'aient pu se multiplier (cas des nématodes). Leur rôle est donc de réduire activement l’inoculum. Les plantes pièges résistantes attirent les ravageurs et en limitent les dégâts. Elles peuvent éventuellement être récoltées. Leur rôle est alors autant de réduire l’inoculum que de le concentrer localement pour mieux protéger la culture sensible menée de manière quasi synchrone ou légèrement décalée. En grandes cultures, la technique des plantes pièges est surtout pratiquée contre les nématodes dans les cultures de betterave et de pomme de terre, mais aussi contre les méligèthes et l'orobanche du colza. Il semble que la pratique soit assez communément citée comme utilisable et utile entre deux cultures sous serre. Elle se pratique notamment pour le piment. Si les plantes pièges sensibles peuvent être la culture elle-même, les plantes pièges résistantes seront souvent des plantes différentes des plantes à protéger mais de même famille botanique.
Cette fiche présente les plantes pièges de manières générale ainsi que leur utilisation dans les filières.
Précision sur la technique :
Grandes cultures : La technique des plantes pièges est surtout pratiquée contre les nématodes dans les cultures de betterave et de pomme de terre avec des crucifères nématicides, mais aussi contre les méligèthes et l'orobanche du colza avec la présence d’une variété très précoce et de lotier respectivement. Des plantes-appâts à base de céréales peuvent permettre de capter les larves de taupins afin de les détourner du maïs cultivé puis seront détruites.
Horticulture : En cultures de poinsettia, il est possible de placer des aubergines dans la culture qui sont des plantes piège à aleurodes Trialeurodes vaporariorum.
Cultures légumières : Les carottes sont de très bonnes plantes pièges pour lutter contre les nématodes à galles si elles sont détruites 2 à 3 semaines maximum après leur implantation (Djian-Caporalino et al, 2009). Il semble que la pratique soit assez communément citée comme utilisable et utile entre deux cultures sous serre. Elle se pratique notamment pour le piment.
Cultures tropicales : Le maïs peut être une bonne plante pîège des mouches en cucurbitacées (Deguine et al., 2011). Planté autour des parcelles de canne à sucre, l'érianthus est efficace contre le foreur de tige en l'empêchant de se reproduire (Carocanne, 2020).
Cette technique est aussi développée sur des cultures exotiques comme le coton ou sur la production de courges et autres cucurbitacées. Un article de 2006 a recensé 10 cas d'application à grande échelle de techniques faisant appel à des plantes pièges. Le mécanisme peut aussi faire appel à des plantes pièges OGM, comme des pommes de terre qui produisent la toxine Bt. Semées plus tôt que la culture principale, elles attirent les doryphores qui sont intoxiqués par le Bt.
Points de vigilance :
La méthode des plantes pièges peut être délicate à conseiller dans certaines situations car le problème peut empirer si la plante n’est pas détruite à temps.
Quelques actions/projets/programmes :
Le RMT Bioreg (suite du RMT biodiversité et agriculture) est axé sur la compréhension des agro-écosystèmes de l'échelle de la parcelle à celle du paysage dans le but d'identifier les leviers mobilisables permettant d'optimiser la régulation naturelle des bioagresseurs.
Le projet AGATH, porté par le Ctifl a mis en place des essais pour la gestion des pucerons et de thrips avec les plantes pièges notamment.
Période de mise en œuvre
Les plantes pièges peuvent être efficaces sur la culture (cas du colza), à l'échelle de la rotation, ou utilisées en interculture.
Echelle spatiale de mise en œuvre
En fonction de l'échelle à laquelle se déplacent les organismes visés et selon l’attractivité, l'échelle d'efficacité va de la parcelle au paysage. La gestion de plantes pièges à l'échelle du paysage peut nécessiter une collaboration entre agriculteurs voisins.
Application de la technique à...
Toutes les productions : Généralisation parfois délicateIl y a un manque de références pour de nombreuses cultures. La technique est surtout utilisée pour limiter les populations de nématodes à kystes sur betterave, en développement pour le piégeage des méligèthes hors du colza. Elle est pratiquée communément même si de manière inconsciente avec les repousses de colza dans le cas de l’orobanche rameuse (Phelipanche ramosa). Les exemples connus correspondent tous à des situations où un ravageur majeur est visé. Hors usage d’OGM du type Bt et/ou de la culture elle-même ou d’une proche cousine phylogénétique, il est illusoire d’espérer disposer d’une plante piège à large spectre de couverture de bioagresseurs.
- Betterave : Méthode éprouvée avec l'implantation de crucifères en culture intermédaire contre les nématodes à kystes
- Colza hiver, Colza printemps : Semis de 10% d'une variété plus précoce ou 5% d'une variété très précoce en mélange avec la culture ou en bordure contre les méligèthes. Semis dans la rotation, en dérobé ou en mélange de culture piège sensible ou faux"hôte" contre l'orobanche.
- Pomme de terre, Carotte : contre les nématodes.
- Poinsettia : Les aubergines sont des plantes pièges à aleurodes
- Canne à sucre : contre le foreur ou "borer" ponctué.
Tous les types de sols : Facilement généralisable
Le levier est applicable pour tous les types de sols.
Tous les contextes climatiques : Facilement généralisable
Le choix des espèces à implanter est bien évidemment à adapter selon le climat.
Réglementation
L'obligation d'implanter des CIPAN favorise l'étude du potentiel de ces cultures pour une contribution à la protection de cultures commerciales. A l'inverse, les couverts semblent plus souvent perçus comme une contrainte réglementaire et moins comme une opportunité de développer de nouvelles techniques. Le retrait de nombreux nématicides chimiques oblige à trouver et déployer des alternatives.
Concernant la directive nitrate, référez-vous à la Draaf de votre région.
2. Services rendus par la technique
Gestion des ravageurs
3. Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air : En augmentationSi réduction des traitements insecticides ou autres. En betterave les nématodes ne font pas l'objet de traitements, ni l'orobanche sur colza.
Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation
Si réduction des traitements insecticides ou autres. En betterave les nématodes ne font pas l'objet de traitements, ni l'orobanche sur colza.
Effet sur la consommation de ressources fossiles : Variable
Effet variable selon la culture piège et l'énergie consommée pour son implantation, son entretien et sa récolte / destruction (culture principale, intermédiaire, implantée en bordure, sensibilité au gel, incorporation). Réduction éventuelle du nombre de passages liés aux traitements.
Emission des GES : Variable
Fonction de la conduite de la culture piège, notamment du travail du sol. Le développement du couvert permet de stocker du carbone dans le sol. Le bilan est donc "variable" à l'échelle de la culture.
Critères "agronomiques"
Productivité : En augmentationAugmentation du rendement de la culture si amélioration de la protection de la culture (exemple : +15% de rendement en sucres attendus sur betterave par amélioration de la protection contre le nématode à kystes). A l'échelle du système, peu d'effet seront observés si introduction avec la culture à protéger ou en interculture, réduction si introduction d'une plante piège sensible détruite dans la rotation.
Il faut évidemment défalquer la surface détournée pour installer les plantes pièges ou l’accroissement de compétition lors d’une utilisation intra parcelle
Qualité de la production : Pas de connaissance sur impact
Fertilité du sol : En augmentation
Augmentation si introduction de cultures dans la rotation, car des cultures variées explorent différents compartiments du sol et n'exploitent pas les mêmes ressources. Cette augmentation de la fertilité du sol sera d’autant plus marquée si la culture piège est une CIPAN qui joue un rôle d’engrais vert en relarguant l'azote piégé après enfouissement ou si elle fixe l'azote de l'air (légumineuse).
Bien que ça ne soit pas l'objectif principal, une culture piège en bordure de parcelle ou en interculture peut limiter l'érosion et la battance.
Stress hydrique : Variable
L'effet dépendra de la culture introduite.
Biodiversité fonctionnelle : En augmentation
Augmentation possible, du fait de la diversification des habitats et ressources offerts par l'agro-écosystème. Des auxiliaires et pollinisateurs peuvent être hébergés dans des cultures pièges en bordure.
Critères "économiques"
Charges opérationnelles : Variable
Les charges opérationnelles dépendent de la culture introduite et de sa place dans la rotation (culture intermédiaire, culture principale, bordure). L'implantation en culture intermédiaire ou en bordure implique un coût supplémentaire. Réduction possible si l'usage de pesticides est réduit ou si des semences de ferme sont utilisées.
Charges de mécanisation : Variable
Les charges de mécanisation dépendent de la culture introduite, de son itinéraire technique et de sa place dans la rotation (culture récoltée, culture intermédaire, mélange avec la culture à protéger, etc.).
Marge : Variable
La marge est variable en fonction de l'équilibre entre coût de la culture piège, économies en produits phytosanitaires et gain de rendement.
Une culture piège introduite comme une culture de la rotation :
- Diminution si la culture détruite
- Variable si la culture est récoltée (plante piège résistante) en fonction des marges de la culture et de ses effets sur les marges des autres cultures de la rotation.
Débouchés : Si l'on introduit une culture piège récoltée (donc résistante) dans la rotation, il faut pouvoir la vendre ou la réutiliser sur l'exploitation (semences, compostage, etc.).
Critères "sociaux"
Temps de travail : Variable
Ce critère dépend de la culture introduite, de son itinéraire technique et de sa place dans la rotation (culture récoltée, culture intermédiaire, mélange avec la culture à protéger, etc.). Augmentation dans le cas de l'implantation d'une culture intermédiaire par rapport à l'absence de couvert d'interculture.
Effet sur la santé de l'agriculteur : En augmentation
Avec la diminution de l’usage d’insecticides. Lorsque la technique vise des insectes qui se déplacent à l'échelle du paysage, une coordination est nécessaire entre agriculteurs voisins pour en assurer l'efficacité.
4. Organismes favorisés ou défavorisés
Bioagresseurs favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Bioagresseurs défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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foreur ponctué de la canne à sucre | FORTE | ravageur, prédateur ou parasite | Contrôle fort dans des parcelles expérimentales de taille réduite (25m x 25m). Des essais menés dans le cadre du projet CASDAR Ecocanne ont permis de valider la technique dans de grandes parcelles (0,25 à 0,5 ha). Cette technique a permis des réductions de dégâts d'un facteur 2,8 à 4,4 (voir Nibouche, Tibère, Costet, 2019 en partie 5. Pour en savoir plus) |
méligèthe | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | |
nématode doré de la pomme de terre | FAIBLE | ravageur, prédateur ou parasite | Technique moins développée. |
nématode à kystes | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | Semis de crucifères sélectionnées contre ce nématode sur betterave. On peut attendre une amélioration du rendement en sucres de 15%. |
orobanche rameuse | MOYENNE | adventices | A combiner avec la diversification de la rotation et le brûlage. |
Auxiliaires favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Auxiliaires défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques favorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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5. Pour en savoir plus
Résultats d'essais en champs et en laboratoire sur l'attractivité (par l'olfaction) comparative de navets et colzas aux stades boutons et fleuris.
Précise le concept, ses différentes modalités, donne de nombreux exemples, état des lieux de la mise en œuvre et des recherches, facteurs de réussite et les limites de la technique
Précise une méthode de lutte à l'aide de plantes pièges (pommes de terre résistantes, raketblat : solanacée tropicale faux-hôte)
n°624-625 septembre 2009 - concerne plutôt les rotations légumières.
6. Mots clés
Méthode de contrôle des bioagresseurs : Contrôle cultural
Mode d'action : Evitement Action sur le stock initial
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides : Substitution