EXEMPLE DE MISE EN OEUVRE

Maitriser les adventices en grandes cultures bio avec très peu de travail du sol



Mélange de blés anciens à l'EARL des Oisoles

Crédit : Julien Halska - Bio Bourgogne

En cours de rédaction
Dernière modification : 28/06/2021
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Contexte : grandes cultures bio avec transformation en Bourgogne

L’EARL des Oisoles est une exploitation spécialisées en grandes cultures biologiques située en Côte d’Or (Bourgogne-Franche-Comté) au nord de Dijon. Une grande partie des récoltes est transformée à la ferme (production de farine, ensachage de lentilles) avec vente directe, en magasins spécialisés ou à des boulangers.

La SAU de 250 ha labourables est cultivée par deux associés aidés par un ou deux saisonniers. Les sols sont globalement argilo-calcaires mais hétérogènes en terme de profondeur et donc de potentiel (40% de sols profonds, 40% de sols moyens et 20% de sols superficiels).

L’exploitation a été convertie à l’agriculture biologique par la génération précédente. Actuellement la ferme est tournée vers la commercialisation en direct et l’innovation via l’optimisation continuelle des techniques mises en œuvre. L’importante diversité des cultures contribue fortement à réduire les risques en cas d’échec sur l’une d’elles.

Les successions de culture sont assez variables en fonction des types de sol et de la météo de l’année, de la réussite des semis sous couvert. Quelques règles sont tout de même suivies :

·       alterner semis de printemps et d’automne,

·       alterner céréales à pailles et autres cultures,

·       le petit épeautre succède souvent au blé,

·       il y a souvent une culture de printemps avant du blé,

·       le sarrasin est souvent placé après une dernière paille (petit ou grand épeautre) ou de la lentille.

Les cultures sont systématiquement associées afin de mieux couvrir le sol et de rechercher une complémentarité entre les espèces (exploration du sol, réduction des risques de verse ou d’attaques de maladies et ravageurs). L’assolement 2020-2021 est présenté dans le graphique ci-dessous. Le trèfle est entièrement restitué (sauf production de semence de ferme).

Origine du changement

Les deux associés sont dans une optique d’optimisation des pratiques afin de produire avec le moins d’intrants possible quels qu’il soient. De plus, un temps important est dédié à la transformation et à la commercialisation. Il était donc nécessaire de réduire le temps de traction. Cette optique était cohérente avec un objectif de réduction de la consommation de carburant, de réduction des charges et de préservation des sols. Du point de vue des associés, moins on touche le sol, plus il est couvert, et plus on peut s’approcher de « l’autofertilité ».

Cependant, l’un des enjeux principaux de la réduction du travail du sol est de maîtriser les adventices, particulièrement en agriculture biologique. Quelle stratégie permet à l’EARL des Oisoles d’atteindre cet objectif et quels sont les résultats concrets obtenus ?

Stratégie mise en œuvre : une combinaison de nombreux leviers

De nombreux leviers sont combinés afin de limiter le développement des adventices sans utiliser d’herbicides. Ils relèvent à la fois de mesures préventives (comme la rotation ou le retard de date de semis) et curatives (herse étrille et désherbage fréquents).

Successions de cultures

·       Rotation très diversifiée avec le plus souvent alternance de deux cultures d’hiver puis de deux cultures de printemps.

·       Environ 15 % de légumineuses fourragères dans l’assolement chaque année (trèfle, luzerne). Elles présentent un effet précédent très favorable en agriculture biologique par la fourniture d’azote lors de leur dégradation et permettent de réduire le développement de nombreuses adventices, notamment vivaces, du fait des fauches successives.

Choix des espèces et des variétés, modalités de semis

·       Cultures associées et variétés de blé anciennes, plus concurrentielles (hauteur de paille importante, pas d’utilisation de variétés orientées rendement). Les récoltes de cultures associées sont ensuite triées grâce à l’équipement performant de la ferme.

·       Semis systématique de cultures associées concurrentielles sur les rangs.

·       Plus de pieds sur le rang du fait d’un écartement important entre les rangs pour toutes les cultures (27,5 cm).

·       Décalage de dates de semis : technique bien réussie cette année pour les semis d’automne, mais difficile en année humide. Cette année des passages de herse étrille ont été effectués.

Gestion des intercultures

·       Les semis de couverts végétaux sont systématiques en interculture, même s’ils ne se développent pas toujours. Depuis 9 ans, ils sont pâturés par une troupe ovine conduite par un berger. L’idée est de faire rester les moutons, il faut donc leur fournir de quoi manger. Semer les couverts en direct est intéressant pour favoriser de bonnes conditions de pâturage (sol non ameubli par un outil). Ce dernier contribue à la gestion des ombellifères et les dicotylédones en général (pas sur les graminées).

·       Scalpage : une herse Morris magnum est utilisé en septembre si le couvert intermédiaire est correctement développé. Sinon elle est utilisée pour faire un faux-semis dans l’été lorsque les conditions sont favorables (pluie annoncée). 2 à 3 passages de scalpeur sont effectués au moins 15 jours avant le semis.

·       Stratégie de travail du sol en interculture :

o   Déchaumeur à disques Carrier ou cover crop sur trèfle (préférence pour un passage de cover crop plutôt que 3 de carrier).

o   2 passages de déchaumeur Morris Magnum pour remonter les pivots de vivaces en surface.

o   Semis au John Deere 750A équipé d’un GPS pour faciliter le binage ultérieur, et d’éléments traceurs qui permettent également de guider la bineuse.

o   Passage de charrue déchaumeuse à 15 cm de profondeur maximum si nécessaire (destruction de luzerne, semis en conditions difficiles car humides).

o   Derrière un trèfle d’un an et demi pas de faux semis, parcelle propre.

o   Outils disponibles variés pour ne pas avoir le même outil tous les ans sur les mêmes parcelles.

o   Labour profond maximum tous les 6 ans sur les bonnes parcelles, jamais sur les faibles et moyens potentiels. Cela revient à labourer 10 à 20 ha chaque année sur les 250 ha.

Actions curatives

·       Passages de herse étrille si possible, en fonction des fenêtres météo (présence d’un semoir sur la herse étrille qui permet des semis sous couvert pour les légumineuses fourragères).

·       Binage presque systématique, y compris des céréales à paille, combiné à des couverts concurrentiels sur le rang (densité élevée, cultures associées).

·       Traitement des chardons au vinaigre dilué à 1% au stade bouton floral.

Post-récolte

·       Un triage de qualité est nécessaire pour la transformation et dans le cadre d’une stratégie de vente directe. Une chaîne de triage performante est disponible sur l’exploitation. Elle est constituée de trieurs plan, rotatif, alvéolaire et optique ainsi que d’un épierreur. Cet équipement contribue également à la gestion des adventices lorsqu’il est utilisé pour la production de semences (100 % de semences de ferme sur l’exploitation).

Résultats et performances

Temps de traction et consommation de carburant réduits

Temps de traction :

·       600 h/an + 100 h/an de binage soit 2,8 h/ha en 2015.

·       2,5 h/ha en 2016.

·       2,4 h/ha en 2020 (fréquemment autour de 4h en grandes cultures[1]).

Consommation de fioul : 27 l/ha/an (11 litres par heure en moyenne) pour des référence allant de 80 à 100 l/ha en labour systématique [1], [2]. Moyenne 2017 à 2019 incluses 17 000 litres en incluant la manutention et toute la consommation de la transformation et du stockage, soit 62 l/ha.

Maîtrise des adventices satisfaisante avec marges de progrès

A part le vulpin et quelques ronds de vesce, de chardon et de rumex, les adventices sont plutôt bien maîtrisées. L’économie de la ferme est bonne et n’est pas remise en cause par ce facteur. Cependant, des progrès restent possibles, en particulier sur le vulpin. La maîtrise est supérieure lors des printemps secs.

Résultats économiques satisfaisants

Marges brutes des principales cultures présentées avec les prix de vente de l’exploitation (avec transformation et vente directe), et simulées pour de la vente en grain à un organisme stockeur à titre de comparaison.

marges brutes
culture charges semences €/ha charges fertilisation €/ha charges traitements €/ha total charges opérationnelles €/ha rendement moyen farine / vente directe t/ha prix de vente farine / vente directe €/t produit farine / vente directe €/ha rendement moyen grain t/ha prix de vente moyen grain 5 ans €/t produit vente grain €/ha marge brute vente directe €/ha marge brute vente grain €/ha
blé d'hiver (panifiable) 100 150 0 250 1,8 1000 1800 2,25 450 1013 1550 763
petit épeautre 100 0 0 100 0,95 2200 2090 1,7 625 1042 1990 942
grand épeautre 60 0 0 60 1,08 1250 1350 1,2 372 446,4 1290 386
seigle meunier 30 0 0 30 1,4 1000 1400 1,4 398 557,2 1370 527
lentillon 110 0 0 110 0,4 2000 800 0,4 1145 458 690 348
sarrasin 25 0 0 2 0,64 1300 832 0,8 740 592 807 567
lentille 110 0 0 110 0,5 2000 1000 0,5 1290 645 890 535
 

* Semences, et fertilisation à hauteur de 150 €/ha pour le blé uniquement. Pas de charges de traitement. Charges en semences estimées par le coût en grain non vendu (ou références internes Bio Bourgogne).

** Références internes Bio Bourgogne.

Autres remarques sur les résultats économiques :

·       Blé : 800 kg de farine pour 1 tonne de grain ; seigle : farine intégrale donc 1 tonne de grain = 1 tonne de farine.

·       Lentillon et lentille : forte variabilité des rendements (météo et insectes).

·       Le blé de printemps présente une marge proche de celle du blé d’hiver.

·       L’avoine et les autres cultures mineures ont un faible poids économique sur l’exploitation.

La comparaison des marges brutes en vente directe et avec collecte ne prend pas en compte les coût de la transformation et de la commercialisation, tant en matériel qu’en main d’œuvre (un associé à temps plein et un autre à presque 50%). Attention donc aux conclusions trop rapides.

Fertilité des sols satisfaisante mais des teneurs en matière organique à surveiller

Trois analyses de sol récentes, classiques et biologiques, permettent de caractériser la fertilité des sols de l’exploitation, bien que leur représentativité puisse être discutée.

·       Fertilité chimique : d’après les analyses disponibles, les sols sont relativement riches en P (100 à 165 ppm Olsen), K (240 à 300 ppm), Mg (120 à 270 ppm).

·       Fertilité biologique des sols :

o   Les taux de matière organique (MO) sont hétérogènes (2,8 à 4 %) avec dans certaines parcelles une réelle marge de progrès étant donnée la teneur en argile (par exemple 2,8 % de MO pour 31 % d’argile).

o   Les biomasses microbiennes mesurées sont généralement élevées (700 à 1000 mgC/kg de sol) et l’activité de minéralisation du carbone également (plus hétérogène pour l’azote).

·       Fertilité physique : pas d’évaluation spécifique disponible mais pas de problème particulier identifié sur l’exploitation.

Les rendements sont globalement relativement stables. Le principal facteur limitant ces dernières années est la météo.

Limites et pistes d’amélioration

L’une des difficultés est d’intervenir au bon moment, car il y a des années où il n’est pas possible de biner par exemple, et chaque année il y a au moins un retournement de parcelle trop sale ou mal implantée (généralement semée ensuite en sarrasin).

Le système étudié notamment par Arvalis avec un couvert pluriannuel de luzerne broyée entre les rangs de blé est une innovation à creuser. Elle serait en phase avec la stratégie actuelle de l’exploitation de cultures associées et permettrait à la fois de favoriser une bonne nutrition (azotée en particulier) du blé et la maîtrise des adventices par le couvert.

 

[1] https://www.terre-net.fr/observatoire-technique-culturale/appros-phytosanitaire/article/non-labour-comparatif-economique-semis-direct-travail-simplifie-culture-216-55967.html

[2] https://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?consommation_de_carburant_par_.htm

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Contributeurs

28/06/2021
Julien Halska - Bio Bourgogne - BRETENIERE (21110)
ingenieur - julien.halska@biobourgogne.org