Implanter des espèces gélives en interculture
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1. Présentation
Caractérisation de la technique
Description de la technique :
Cette technique consiste à implanter préférentiellement des espèces gélives en interculture longue pour éviter d'avoir à intervenir mécaniquement ou chimiquement pour leur destruction. Cette technique peut être une alternative à l'usage d’herbicides pour la destruction des couverts d'interculture.
Par rapport à un sol nu, les services recherchés par le couvert gélif sont :
- Améliorer la fertilité chimique du sol : limiter les fuites de nitrates, améliorer l’autonomie en azote du système,
- Améliorer la fertilité physique et biologique du sol : limiter la battance, le ruissellement et l’érosion, améliorer la structure du sol et son activité biologique,
- Limiter le développement des adventices,
- Favoriser la biodiversité (auxiliaires et pollinisateurs).
Conditions de réussite :
Pour que la destruction se fasse naturellement par le gel, il faudra choisir les espèces de son couvert selon leur température minimale de gel fréquemment observées dans la région. L’idéal est de semer le plus tôt possible, avant fin août, pour obtenir une biomasse importante et obtenir les objectifs visés. Un semis “soigné” permettra une levée homogène et un meilleur développement du couvert.
Attention : Le gel est aléatoire et dépendant de la situation géographique de l’exploitation.
Précision sur la technique :
- Choix des espèces
Le choix du couvert (espèces et variétés) se fait en fonction du ou des objectifs recherchés, de la date d’implantation, de sa rotation et du mode de destruction. De nombreuses références existent sur internet ou auprès des semenciers. La brochure « Couverts en interculture longue : choix des espèces et implantation » permet de guider le choix des espèces à implanter selon les températures de gel des espèces. Par exemple, si l’implantation est :
- Précoce (entre le 05/07 et le 05/08) : moha, niger, sarrasin, tournesol
- Intermédiaire (entre le 05/08 et le 25/08) : avoine rude, avoine de printemps, moutarde, lentille, trèfle d’Alexandrie, sarrasin, tournesol
- Tardive (entre le 25/08 et le 15/09) : avoine de printemps, moutarde
Les outils d’aide « Choix des couverts » d’Arvalis ainsi que ACACIA (Aide au Choix et à l'Adaptation des Couverts d'Interculture dans les Assolements), permettent de vous guider dans le choix du couvert d’interculture correspondant à votre situation.
- Semis
Un semis direct, à la volée ou en ligne classique peuvent être réalisés selon les espèces à implanter. Les doses de semis des espèces pures sont mentionnées sur le recueil « Couvert végétal pendant l’interculture en AB : caractéristiques des espèces » de l’ITAB ainsi que les mélanges possibles, et sur la brochure « Activer les atouts agronomiques des couverts végétaux », page 11, rédigée par la chambre agriculture de la Drome.
Exemple : moutarde entre un blé tendre d'hiver et une orge de printemps, semis fin août / début septembre à la volée, à raison de 10 kg/ha.
- Destruction
Par le gel. On peut rouler l'interculture pour qu'elle gèle mieux. En cas de non destruction par le gel, il sera nécessaire de passer avec un outil (broyeur, déchaumeur) ou de le détruire chimiquement.
Période de mise en œuvre
Echelle spatiale de mise en œuvre
Application de la technique à...
Toutes les productions : Généralisation parfois délicateL'implantation de cultures intermédiaires gélives nécessite une récolte précoce de la culture précédente (céréales à paille d'hiver, colza, protéagineux…) pour permettre un développement suffisant avant les premières gelées.
Tous les types de sols : Facilement généralisable
L'implantation de cultures intermédiaires gélives peut potentiellement s'appliquer à tous types de sols. Elle présente un intérêt particulier sur sols limoneux ou hydromorphes où le passage pour la destruction peut être rendu difficile par une portance limitée.
Tous les contextes climatiques : Généralisation parfois délicate
Le choix de cultures intermédiaires gélives présente un intérêt dans les régions où les températures hivernales sont suffisamment basses pour permettre la destruction du couvert. A l'inverse, des températures basses très tôt dans la saison peuvent ne pas permettre un développement suffisant du couvert avant sa destruction.
Réglementation
InfluenceLe programme d'action de la directive nitrate implique la couverture intégrale des sols en hiver, ce qui implique l'implantation de cultures intermédiaires sur les parcelles non occupées par des cultures d'hiver ou pluriannuelles. Pour plus de précisions, référez-vous à votre Draaf.
2. Services rendus par la technique
Fourniture de nutriments
Stabilité physique et structuration du sol
Stockage et gestion de l'eau
Régulation et gestion des adventices
3. Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air : VariableL'implantation du couvert entraine une consommation de carburant plus importante que le maintien du sol nu pendant l'interculture. Toutefois, l'ameublissement du profil par le couvert peut autoriser un travail du sol réduit pour l'implantation de la culture suivante.
Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation
La présence d'un couvert végétal pendant l'interculture permet de limiter les risques de transferts d'azote, phosphore, résidus phytosanitaires et particules de terre vers l'eau pendant cette période. De plus, le choix d'espèces gélives permet d'éviter l'usage d'herbicides pour la destruction du couvert.
Effet sur la consommation de ressources fossiles : Variable
L'implantation du couvert entraine des émissions de GES liées à la consommation de carburant, mais permet aussi de stocker du carbone (si développement du couvert). Aucun passage n’est envisagé pour la destruction se faisant par le gel, mais peut l’être dans le cas d’un hiver doux. Le bilan est donc "variable" à l'échelle de la culture.
Critères "agronomiques"
Productivité : VariableEn cas de destruction trop tardive (ex: couvert n’ayant pas gelé un hiver doux), la culture intermédiaire peut provoquer des effets dépressifs sur la culture suivante (disponibilité en eau et en azote). Certaines cultures intermédiaires peuvent également présenter un effet allélopathique sur la culture suivante. Mais si la destruction est suffisamment précoce et le choix du couvert adapté, le couvert présente un effet neutre à positif sur la culture suivante.
Qualité de la production : Pas de connaissance sur impact
Fertilité du sol : En augmentation
Le développement du système racinaire du couvert favorise la restructuration du sol. De plus, le choix d'espèces gélives peut permettre d'éviter des passages pour la destruction à une période où la portance du sol est limitée.
L'azote capté par le couvert pendant son développement est restitué progressivement après sa destruction. Une partie sera directement disponible pour la culture suivante. Le couvert permet aussi d'améliorer la disponibilité en phosphore et en potasse pour la culture suivante (remobilisation des éléments), ainsi qu’améliorer la structure et l’activité biologique du sol.
Stress hydrique : Variable
Le prélèvement d'eau pendant le développement du couvert peut augmenter le déficit hydrique.
Biodiversité fonctionnelle : En augmentation
La biodiversité végétale domestique est accrue par l'implantation d'espèces différentes des cultures principales. De plus, la culture intermédiaire constitue un couvert favorable à de nombreuses espèces animales (avifaune, petit gibier, micro et macrofaune...)
Pression maladies : Variable
L'implantation de cultures intermédiaires permet de "casser" les rotations et ainsi le cycle des maladies (ex. fusarioses, piétins) dans les rotations céréalières. Cependant, le couvert peut aussi accroitre la pression maladies si les espèces implantées sont hôtes des mêmes pathogènes que les cultures principales (implantation de crucifères dans des rotations à fréquence de retour en colza élevée par exemple).
Pression ravageurs : Variable
L'implantation de cultures intermédiaires peut permettre de diminuer ou réguler la présence de certains ravageurs (ex. nématodes de la betterave avec moutarde et/ou radis anti-nématodes). Cependant, le couvert peut aussi accroitre la présence de certains ravageurs (limaces, tenthrèdes, altises, pucerons) en constituant un lieu de refuge et de nourriture.
Critères "économiques"
Charges opérationnelles : En augmentation
En fonction de l'espèce ou du mélange d'espèces choisi, le coût de semences peut varier de 30 à 70 €/ha (hors semences de ferme). Le choix d'espèces gélives permet d'éviter les charges herbicides liées à la destruction.
L'implantation et la destruction du couvert entrainent aussi une consommation de carburant plus importante que le maintien du sol nu pendant l'interculture. Mais l'ameublissement du profil par le couvert peut autoriser un travail du sol réduit pour l'implantation de la culture suivante.
Charges de mécanisation : Variable
Le coût de l'implantation peut varier de 0 €/ha (semis à la récolte sous la coupe ou repousses de la culture précédente) à 65 €/ha. Le choix d'espèces gélives permet cependant d'éviter les charges de mécanisation liées à la destruction du couvert.
Marge : Variable
Les restitutions d'azote pour la culture suivante à la suite de la destruction du couvert ne couvrent pas toujours les charges liées à son implantation. Cela dépendra de l'impact qu'elles auront sur le rendement de la culture suivante. La marge globale à court terme est donc variable, en fonction de la fourniture d’azote et la mise à disposition d’éléments nutritifs pour la culture suivante. Cependant, les effets "à long terme" sont difficilement quantifiables et chiffrables et ne sont généralement pas pris en compte dans le calcul des marges (restructuration, limitation de l'érosion, vie du sol, ...). Le couvert peut aussi être valorisé (récolte, fourrages, ...).
Critères "sociaux"
Temps de travail : Variable
En fonction du mode d'implantation, la charge de travail peut être plus ou moins importante que celle liée à la réalisation de faux-semis en interculture. Le temps de travail lié au semis du couvert est d’environ 30min/ha (Chastrusse, 2020)
Effet sur la santé de l'agriculteur : En augmentation
Si diminution de l’usage de produits phytosanitaires.
4. Organismes favorisés ou défavorisés
Bioagresseurs favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
---|---|---|---|
altise du colza | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | Possible présence sur couverts avec crucifères |
limace | FAIBLE | ravageur, prédateur ou parasite | |
petite altise | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | Possible présence sur couverts avec crucifères |
pucerons des crucifères | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | Possible présence sur couverts avec crucifères |
Bioagresseurs défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
---|---|---|---|
aphanomyces | FAIBLE | agent pathogène (bioagresseur) | Par implantation de brassicacées (biofumigation) |
nématode à kystes | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | Variétés spécifiques de moutarde "anti-nématodes" |
piétin-verse | FAIBLE | agent pathogène (bioagresseur) | Par implantation de moutarde entre 2 céréales à pailles |
Auxiliaires favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
---|---|---|---|
Abeille | MOYENNE | Pollinisateurs | Plus largement les pollinisateurs |
Carabes prédateurs et granivores | FAIBLE | Ennemis naturels des bioagresseurs | Gestion des limaces |
Auxiliaires défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
---|
Accidents climatiques et physiologiques favorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
---|
Accidents climatiques et physiologiques défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
---|
5. Pour en savoir plus
6. Mots clés
Méthode de contrôle des bioagresseurs :
Mode d'action : Evitement Action sur le stock initial Atténuation
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides : Substitution
Contributeurs
conseiller-chambre-agriculture - sebastien.minette@na.chambagri.fr
charge-mission - celine.bourlet@pl.chambagri.fr