Lutter contre les maladies avec les plantes de services en grandes cultures
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1. Présentation
Caractérisation de la technique
Description de la technique :
Cette technique consiste à implanter des plantes de services ayant pour but de limiter ou de rompre le cycle des maladies fongiques ou virales.
On désigne par plantes de services les espèces implantées avant ou pendant une culture principale, dans la parcelle ou à proximité et qui sont destinées à fournir un ou plusieurs avantages (services écosystémiques) à la culture en place ou aux suivantes dans la rotation. Au-delà de réguler les maladies, les plantes de services peuvent également réguler d’autres bioagresseurs (adventices et ravageurs), améliorer la structure et la stabilité du sol, le cycle des éléments nutritifs ou réguler le climat (stockage du carbone). Eventuellement, la biomasse produite peut être utilisée pour la fourniture d’aliments ou de combustibles. Elles n’ont toutefois pas une finalité productive, les services d’approvisionnement n’y sont pas recherchés en priorité.
Principe :
La mise en place de plantes de services pour lutter contre les maladies fongiques d’origine telluriques et les viroses transmises par les nématodes repose sur plusieurs mécanismes :
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L’exsudation racinaire de certaines espèces de plantes dans un couvert d’interculture permet de limiter les maladies transmises par les nématodes du sol, en sécrétant des composés répulsifs, inhibiteurs ou biocides.
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La biofumigation est une technique culturale biologique permettant de lutter contre les maladies du sol avec un couvert d’interculture, principalement composé de crucifères, qui ont la capacité de libérer une grande quantité de glucosinolates lors de leur destruction. Ex. Une culture intermédiaire riche en espèces biofumigantes permet de lutter contre le rhizoctone brun de la betterave (Gouwie, 2019).
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L’effet de dilution ou de barrière perturbe les flux des spores. Ex. Un mélange de deux variétés de blé, l’une sensible et l’autre résistante à la septoriose peut diminuer de plus de moitié la sévérité de la maladie (Vallavieille-Pope et al., 2016).
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L’action sur le microbiote racinaire est permise par l’activité biologique du sol, elle-même favorisée par les couverts. Cela permet, par la présence de champignons utiles de type décomposeurs ou mycorhiziens voire de champignons antagonistes, de lutter contre les champignons causant des maladies fongiques.
Conditions de réussite :
L’efficacité des plantes de services vis-à-vis de la problématique de gestion des maladies, notamment de l’activité du pathogène de l’inoculum primaire, sera déterminée par la conduite du système cultural : précédent et son mode de conduite, gestion de la période d’interculture mais aussi des résidus dans le sol et l’évolution de la décomposition des résidus de culture sous l’influence de certaines pratiques (travail du sol, labour ou non labour, …).
Le choix des espèces à implanter dans la rotation ainsi que la variété sont des critères de réussites primordiaux. En effet, certaines plantes de services (moutarde, radis pour la biofumigation) ont un effet en interculture, d’autres seront efficaces lorsqu’elles sont cultivées en même temps que la culture principale (mélanges variétaux). La réussite de la technique de biofumigation dépend des conditions météorologiques. Un manque d’eau peut défavoriser la synthèse d’isothiocyanates à partir de glucosinolates lors du broyage de la moutarde brune par exemple, qui aura un effet moindre sur le contrôle de l’inoculum. La biofumigation est plus efficace lorsqu’elle vient en complément d’autres techniques de lutte.
Précision sur la technique :
Plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre selon la maladie :
- Pendant la période d'interculture, il est préconisé d’implanter des espèces non-hôtes de pathogènes pouvant être rencontrés dans les cultures de la rotation ou des espèces allélopathiques ou biofumigantes. Le recours à l'allélopathie avec un objectif de régulation des maladies peut être appliqué en interculture sur des cultures annuelles ou pérennes (Tableaux 1, 2 et 3 ci-dessous). La technique a un potentiel variable sur les pathogènes. Un seul et même pathogène peut agir sur plusieurs espèces végétales.
Tableau 1 : Exemples de régulations rendues par les plantes de services ayant des effets allélopathiques et biofumigantes sur les champignons (adapté de Couëdel et al., 2019)
Tableau 2 : Exemples de régulations rendues par les plantes de services ayant des effets allélopathiques et biofumigantes sur les bactéries (adapté de Couëdel et al., 2019)
Tableau 3 : Exemples de régulations rendues par les plantes de services ayant des effets allélopathiques et biofumigantes sur les nématodes (adapté de Couëdel et al., 2019)
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En association avec la culture principale, il est possible d’implanter des mélanges variétaux de blé, l’une sensible et l’autre résistante à la septoriose afin de réduire de plus de moitié la sévérité de la septoriose. Toutes les plantes étant récoltées dans cette situation, on se trouve à la limite de la définition du terme plantes de services.
Points de vigilance :
De manière générale, il faut éviter d’implanter un couvert de la même famille que la culture qui va suivre afin d’éviter l’accroissement des risques maladies. Par exemple, Arvalis et Terres inovia (2017) conseillent un choix judicieux des cultures dans la rotation afin d’éviter toute propagation du champignon Aphanomyces en évitant un délais du retour du pois de 6 ans au minimum, en choisissant des espèces non-hôtes du champignon (lupin, fenugrec, lotier) ou hôtes mais résistantes (féverole, soja, sainfoin) et évitant la lentille et la luzerne. L’ITAB (2013) a aussi publié un recueil de fiches détaillant les couverts végétaux utilisés en interculture.
Quelques actions, projets, programmes :
Le projet SysPID a eu pour objectif de réduire l’impact des maladies telluriques.
Le projet CREA du métaprogramme SuMCrop travaille sur les plantes de services mises en place pour la régulation des bioagresseurs, dont les maladies.
Outils d’aide à la décision :
Les caractéristiques d'espèces de plantes de services nématicides sont disponibles sur l’outil Choix des couverts d’Arvalis.
Période de mise en œuvre
Les plantes de services peuvent permettre de réguler les maladies pendant la période d’interculture avec la technique de biofumigation ou l’exsudation racinaire des plantes. Sinon, ce sera en association avec la culture principale par l’effet de barrière/dilution.
Echelle spatiale de mise en œuvre
Les techniques d’introduction des plantes de services réduisent, dans la plupart des cas, l’inoculum primaire (tellurique) à l’échelle de la parcelle.
Application de la technique à...
Toutes les productions : Facilement généralisableLa différence se fera dans le choix des plantes de services à insérer avec la culture principale, ou des plantes de services dans la rotation. Quelques exemples de couverts d’interculture dans la rotation :
○ Avant une betterave, il est conseillé d’implanter un radis ou une moutarde nématicide (ITB, 2019).
○ Avant une culture de pomme de terre, de maïs ou de betterave, il est possible d’implanter une moutarde brune qui aura des effets biofumigants sur Rhizoctonia solani et diminuera le risque de rhizoctone (Gaucher et al., 2014).
○ En blé sur blé, les préconisations recommandent d’implanter de la moutarde brune en culture intermédiaire afin de limiter les maladies du pied et des racines liées à la monoculture (Ex. piétin échaudage). Il est déconseillé d’implanter d’autres céréales comme l’avoine diploïde en interculture courte afin de diminuer l’inoculum dans le sol.
○ Avant un tournesol, il est conseillé d’implanter des crucifères ou un mélange crucifères/légumineuses et d’éviter un couvert contenant du niger afin de lutter contre la verticilliose.
Les possibilités de régulation des maladies par les plantes de services sont en cours d’expertise. Les connaissances vont se développer dans les années à venir.
Tous les types de sols : Facilement généralisable
Les techniques peuvent être mises en place sur tous types de sols, à condition d’y adapter l’itinéraire technique (choix des espèces, des variétés, parfois irrigation) dans certaines régions.
Tous les contextes climatiques : Facilement généralisable
Les techniques en elles-mêmes sont généralisables à tous les climats. En interculture, des observations ont montrées que des conditions froides et humides à la levée du couvert favorisent les maladies fongiques, d’autant plus si le couvert démarre lentement.
La biofumigation nécessite de l’eau pour que la réaction biochimique des glucosinolates en isothio et thiocyanates puisse se dérouler.
Réglementation
La réglementation a obligé les agriculteurs à implanter des couverts végétaux. D’abord considérés comme une contrainte et un coût supplémentaire, les exploitants découvrent peu à peu les intérêts incontournables des couverts végétaux, d’où leur « re-qualification » en « plantes de services ». Les modalités de conduite sont influencées par la réglementation en place sur chacun des territoires (Directive Nitrate, SIE, ….) :
- Concernant la réglementation liée à la directive nitrates, référez-vous à la Draaf de votre région.
- MAEC : Obligation d’implanter des couverts pendant les inter-cultures longues
2. Services rendus par la technique
Gestion des maladies
3. Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air : En augmentationLa lutte contre les maladies par les plantes de services peut permettre d’éviter des passages de fongicides. Par exemple, Vallavieille-Pope et al (2016) ont montré à travers des essais qu’une association de quatre variétés des blé résistantes à diverses maladies fongiques permettent de réduire les applications de fongicides d'environ 5 % tout en maintenant les rendements.
Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation
Les plantes de services, en plus de lutter contre les maladies et de limiter le recours aux fongicides, présentent des avantages supplémentaires comme la limitation des phénomènes de lixiviation des nitrates ainsi que des passages liés aux apports en nutriments (diminution de la fertilisation).
Effet sur la consommation de ressources fossiles : Pas d'effet (neutre)
Même si la technique permet d’économiser des passages de fongicides, d’autres sont à prendre en compte pour le semis et l’éventuelle destruction des couverts.
Contribution au stockage de carbone dans les sols : En augmentation
Les plantes de services (couverts végétaux et leurs repousses) permettent de stocker du carbone et donc de limiter les emissions de gaz à effet de serre vers l'atmosphère.
Critères "agronomiques"
Productivité : VariableDans le cas d’une association, les plantes de services peuvent avoir un effet négatif sur le rendement de la culture principale si elles se développent trop fortement et l’azote restitué par les légumineuses par exemple ne sera pas disponible pour la culture de rente mais la suivante.
Dans le cas de cultures associées, qui sont plusieurs plantes cultivées simultanément et toutes récoltées, des essais d’association de 4 variétés de blé menés sans protection fongicide ont montré un bénéfice de 2.3qx/ha (Vallavieille-Pope, 2016).
L'implantation de plantes de services en cultures intermédiaires produit un impact positif sur les rendements de la culture suivante. Des travaux ont montré que les cultures intermédiaires de moutarde brune permettraient de réduire l’incidence et la sévérité de Rhizoctonia solani et ainsi d’augmenter les rendements de 13% en cultures betteravières par rapport au témoin sans moutarde (Couëdel et al., 2017).
Qualité de la production : Pas de connaissance sur impact
Fertilité du sol : En augmentation
Les couverts végétaux d’interculture ou associés améliorent les composantes physiques (diminution du ruissellement, de la battance et de l’érosion), chimiques (amélioration de la disponibilité des éléments nutritifs, diminution de la lixiviation) et biologiques (amélioration de la vie du sol et de la teneur en matière organique) de la fertilité du sol.
Stress hydrique : Variable
Selon le type de sol, les conditions climatiques et la nature des espèces implantées, les plantes de services peuvent induire une concurrence hydrique au sein de la parcelle.
Biodiversité fonctionnelle : En augmentation
Augmentation de la biodiversité des espèces cultivées et augmentation de la disponibilité en « fleurs » à l’automne plutôt que des sols nus.
Critères "économiques"
Charges opérationnelles : En augmentation
Par rapport à un sol nu, des charges supplémentaires sont à prendre en compte avec l’introduction de plantes de services. Les charges dépendent de la plante de services introduite, de sa place dans la rotation ainsi que de sa conduite. L’utilisation de fongicides et d'autres produits phytosanitaires peuvent diminuer grâce à l’effet de la plante de services (si le couvert est détruit mécaniquement). Toutefois dans le cas d’une plante de services semée (hors repousses de la culture précédente ou semence de ferme), la semence et le semis peuvent avoir un coût supplémentaire. Le prix des semences d’un couvert d’interculture varie selon la technique sélectionnée et peut aller de 15 à 100€/ ha selon les espèces à implanter.
Charges de mécanisation : En augmentation
L’implantation des plantes de services nécessite un passage supplémentaire pour le semis et la destruction du couvert.
Marge : Variable
La marge dépend du degré d’abondance de l’inoculum au sein de la parcelle et du degré de contagion de la culture.
Il est possible de récolter les plantes de services cultivées en interculture en dérobées fourragères, à ensiler, récolter en grains ou à vocation énergétique. La valorisation n'est toutefois pas l'objectif premier des plantes de services.
Critères "sociaux"
Temps de travail : Variable
L’implantation des plantes de services nécessite un passage supplémentaire pour le semis et la destruction du couvert mais peut permettre d’éviter des passages de fongicide.
Effet sur la santé de l'agriculteur : En augmentation
Par diminution de l’usage de fongicides et de produits phytosanitaires dans leur ensemble.
Biodiversité visuelle, paysagère : En augmentation
Les plantes de services améliorent l’aspect paysager quelle que soit la couverture du sol. Le couvert pendant la période d’interculture, plutôt qu’un sol nu, favorise la biodiversité floristique (voir faunistique), ...
4. Organismes favorisés ou défavorisés
Bioagresseurs favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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limace | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | Le couvert végétal occasionne un milieu favorable pour les limaces grises et noires |
puceron | FAIBLE | ravageur, prédateur ou parasite | Le couvert végétal occasionne un milieu favorable pour les pucerons |
Bioagresseurs défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Verticilliose | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) | |
aphanomyces | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) | |
fusariose | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) | |
nématode de la betterave | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | H. schachtii |
nématode des racines | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | |
nématode à galles | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | |
nématode à kystes | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | |
piétin-échaudage | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) | |
rhizoctone brun | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) | |
sclérotinia | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) |
Auxiliaires favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Auxiliaires défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques favorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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Sécheresse | Couverture végétale permet de limiter (« tamponner ») les fortes températures préjudiciables pour le sol |
5. Pour en savoir plus
6. Mots clés
Méthode de contrôle des bioagresseurs : Lutte biologique
Mode d'action : Action sur le stock initial Barrière
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides : Reconception