Implanter des cultures allélopathiques en grandes cultures
Cette fiche est reliée à d'autres thématiques de la manière suivante :
1. Présentation
Caractérisation de la technique
Description de la technique :
En grandes cultures, la gestion des bioagresseurs (adventices, ravageurs et maladies) peut passer par la mise en place de cultures composées d'espèces/variétés à effet allélopathique.
Cette fiche technique présente uniquement des exemples de cas concrets d’utilisation de plantes allélopathiques dans les systèmes en grandes cultures. Pour plus de précisions sur les mécanismes allélopathiques ou la biofumigation, référez-vous à la fiche dédiée Qu’est-ce qu’une culture allélopathique et la biofumigation ?.
Les fiches couverts d’Arvalis présentent les caractéristiques générales de quelques espèces nématicides telles que la moutarde blanche nématicide, la moutarde brune nématicide ou encore le radis fourrager nématicide.
Précision sur la technique :
L’allélopathie peut être utilisée pour réguler les bioagresseurs en cultures associées à la culture principale ou en interculture :
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Plantes allélopathiques associées à la culture principale
Lutter contre les adventices
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Ce phénomène sera presque toujours complété par une compétition physique vis-à-vis des adventices et possiblement des ravageurs et des maladies dans certains types d'associations. On ne peut attribuer les effets de suppression des mauvaises herbes uniquement à l'allélopathie, le phénomène de compétition pour les ressources entre aussi en jeu (Cordeau et Moreau, 2017).
Points de vigilance : Des différences de potentiel allélopathique existent entre variétés d’une même espèce. Il est nécessaire de sélectionner la variété à implanter selon les plus forts taux de métabolites secondaires. De plus, l'allélopathie et la compétition pour les ressources du sol (eau, nutriment) se produisent tous deux dans le compartiment sol et sont donc difficiles à démêler. Pour s'assurer de l’existence de l’allélopathie, il faudrait être en situation de non-concurrence pour l’eau (difficile les étés secs), l’azote (difficile sur un reliquat post-récolte faible) et la lumière (difficile dans un couvert dense et couvrant). Attention toutefois à l’éventuelle compétition entre les plantes allélopathiques et la culture principale.
- Plantes allélopathiques pendant la période d'interculture
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Points de vigilance : Des différences de potentiel allélopathiques existent entre les cultivars. Il est nécessaire de sélectionner la variété à implanter selon les plus forts taux de métabolites secondaires. Un cultivar allélopathique qui supprime bien les adventices doit également produire des bons rendements. Il faut toutefois faire preuve de prudence car les cultures possédant les propriétés allélopathiques peuvent réprimer la croissance des cultures suivantes. Du fait de leurs effets allélopathiques, l’orge n’est pas un bon précédent pour les céréales car il peut générer des phénomènes d’autotoxicité (Bouhaouel et al., 2015), tout comme le seigle peut l’être pour le maïs. Dans la rotation, des résidus de tournesol incorporés au sol inhibent la croissance du sorgho, du cyamopse à quatre ailes, du maïs et de plusieurs espèces de millet. Le soja pourrait grâce à ses composés allélopathiques, inhiber la croissance racinaire du blé jusqu’à 30%, et la croissance des tissus jusqu’à 45% et également capable d’inhiber la germination des graines et la croissance du seigle et du sorgho d’Alep (Cultivar, 2018).
Le pouvoir allélopathique des légumineuses est difficile à prouver par le fait qu’elle apporte des avantages compétitifs aux plantes voisines via la fixation de l’azote qui masquerait l’effet allélopathique, s’il en existe un chez les légumineuses (Gfeller et Wirth, 2017). Les travaux de Michel (2014) ont montré que l'augmentation de l'activité microbienne du sol par les plantes a été suggérée comme la cause de l'augmentation de la suppression des microsclérotes de V. dahliae à la suite de l’enfouissement des crucifères.
Un exemple de mise en œuvre de biofumigation est détaillé par la Chambre d'Agriculture du Rhône-Alpes (2012).
Période de mise en œuvre
La technique de l’allélopathie peut être mise en place pendant la culture principale avec des associations de plantes de services exsudant des composés biocides ou en interculture avec les exsudats racinaires ou des composés biofumigants si le couvert végétal est broyé et enfoui.
Echelle spatiale de mise en œuvre
L’effet allélopathique dans le cadre de la gestion des bioagresseurs est une technique qui agit à l’échelle de la parcelle.
Application de la technique à...
Toutes les productions : Facilement généralisableToutes les cultures assolées peuvent bénéficier d'effets allélopathiques des plantes de services associées ou de la culture intermédiaire qui les précède. Attention tout de même à une éventuelle sensibilité de la culture principale vis-à-vis de la compétition induite par le phénomène.
Tous les types de sols : Généralisation parfois délicate
Les conditions environnementales (type de sol, température et pH du sol) et de conduite (profondeur d’enfouissement, type de broyage, …) influencent la proportion de molécules biocides susceptibles d’atteindre leur organisme cible (Couëdel et al., 2017).
La phytotoxicité des allélochimiques augmente de façon significative lorsque le pH décroit (Norouzi et al., 2015). L’activité allélopathique de plantes cultivées dans des sols secs serait plus efficace que celle provoquée à partir d’autres plantes cultivées dans des sols bien arrosés. Toutefois la réussite de la biofumigation nécessite des conditions optimales de chaleur et d'humidité lors de l'incorporation qui permettent la transformation des glucosinolates en gaz toxiques (Chambre d'Agriculture Rhône-Alpes).
Tous les contextes climatiques : Facilement généralisable
Les cultures allélopathiques peuvent être implantées dans toutes les régions si l’espèce et l’itinéraire technique sont adaptés (quelques interventions peuvent être nécessaires, comme l’irrigation dans le cas de la biofumigation). Ainsi, le choix des espèces et des variétés est à adapter au climat local.
Réglementation
La Directive Nitrate impose la couverture du sol pendant l'hiver en zone vulnérable, cette opportunité peut être saisie pour choisir un couvert à effet allélopathique ou biofumigant.
2. Services rendus par la technique
Régulation et gestion des adventices
Gestion des ravageurs
Gestion des maladies
3. Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air : En augmentationEn permettant de réduire le stock semencier ainsi qu’en agissant sur certains ravageurs et certaines maladies, l’allélopathie contribuerait à réduire les usages de produits phytosanitaires (herbicides, insecticides et fongicides) et leur transfert vers l’air. De plus, par rapport à un sol nu, l’implantation de plantes de services en interculture permet de limiter le phénomène d’acidification des sols s’il la culture est restituée au sol. Elle aura un effet alcalisant.
Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation
Par rapport à un sol nu, l’implantation d’un couvert végétal, qu’il ait un effet allélopathique ou non, permet de piéger l’azote et le phosphore. De plus, celui-ci peut éventuellement fixer l’azote atmosphérique s’il contient des légumineuses, et rendre le phosphore disponible à la culture suivante ce qui permettra de limiter les apports en engrais. L’effet allélopathique permettant de réguler la flore adventice ainsi que les attaques de ravageurs, permettrait de réduire l’usage de pesticides et donc permet d’améliorer la qualité de l’eau.
Effet sur la consommation de ressources fossiles : Pas d'effet (neutre)
L'implantation et la destruction du couvert entrainent :
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Une consommation de carburant plus importante que le maintien du sol nu pendant l'interculture (sauf légumineuse en interculture qui permet de réduire les apports d'azote) s'il n'y a pas de travail du sol pendant cette période
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Des émissions de GES liées à la consommation de carburant. Le développement du couvert permet de stocker du carbone dans le sol. Le bilan est donc "variable" à l'échelle de la culture.
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La régulation des bioagresseurs par le couvert peuvent permettre une baisse des interventions en cours de culture (passages de produits phytosanitaires, désherbage mécanique, …).
Critères "agronomiques"
Productivité : VariableLe temps de décomposition des résidus, plus ou moins long, peut entraîner un retard de la date d’implantation de la culture suivante.
En cas de destruction trop tardive, la culture intermédiaire peut provoquer des effets dépressifs sur la culture suivante (disponibilité en eau et en azote) et l'effet allélopathique peut éventuellement toucher la culture suivante en plus des adventices, d’où l’importance d’adapter le choix du couvert à la culture suivante.
Qualité de la production : Pas d'effet (neutre)
Fertilité du sol : En augmentation
L'azote capté par le couvert pendant son développement est restitué progressivement après sa destruction. Une partie sera directement disponible pour la culture suivante. Le couvert permet aussi d'améliorer la disponibilité en phosphore et en potasse pour la culture suivante (remobilisation des éléments).
Cette technique favorise l’activité biologique du sol, permet d’améliorer les teneurs en matière organique, de stocker du carbone et fixer de l’azote dans le sol, favorisant ainsi sa fertilité.
Cette méthode limite les fuites de nitrates, l’érosion, la battance et l’altération de la structure du sol.
Stress hydrique : En augmentation
Le prélèvement d'eau pendant le développement du couvert peut réduire l'eau disponible dans la réserve utile, en particulier en cas d'hiver sec. La destruction du couvert devra être adaptée au type de sol et aux exigences en eau de la culture suivante.
Biodiversité fonctionnelle : En augmentation
La présence du couvert favorise certaines espèces en leur fournissant refuge et nourriture (insectes auxiliaires, pollinisateurs, macro et microfaune du sol, oiseaux, etc.). Cet effet est variable selon la nature du couvert, par exemple s'il s'agit d'une espèce nectarifère ou pas.
Critères "économiques"
Charges opérationnelles : En augmentation
La technique nécessite l'implantation d'espèces allélopathiques.
Charges de mécanisation : Variable
Le coût de l'implantation peut varier de 0 €/ha (semis à la récolte sous la coupe) à 60 €/ha (semis direct). Le coût de destruction varie également de 0 €/ha (gel) à 30 €/ha (broyage + enfouissement).
Marge : Variable
On a d'un côté des économies d'engrais (restitutions d'azote) et des économies éventuelles de produits phytosanitaires et de passages, et de l'autre un coût lié à l'implantation du couvert. L'effet sur la marge est en fonction de l'équilibre entre ces deux éléments. Les effets "à long terme" sont difficilement quantifiables et chiffrables et ne sont généralement pas pris en compte dans le calcul des marges (amélioration de la structure du sol, limitation érosion, vie du sol, ...). Le couvert peut aussi être valorisé (récolte, fourrages, ...). La valorisation n'est toutefois pas l'objectif premier des plantes de services.
Critères "sociaux"
Temps de travail : Variable
En fonction du mode d'implantation et de destruction, la charge de travail peut être plus ou moins importante que celle liée à la réalisation de faux-semis en interculture. Cependant, une augmentation du temps de travail est constatée pour la préparation du semis, l’implantation, le broyage et l’incorporation du couvert.
Effet sur la santé de l'agriculteur : En augmentation
Par diminution de l’usage des produits chimiques (sauf si destruction chimique).
4. Organismes favorisés ou défavorisés
Bioagresseurs favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Bioagresseurs défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Verticillium dalhiae | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) | |
adventices | MOYENNE | adventices | |
nématode de la betterave | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | |
nématode à kystes | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | |
piétin-échaudage | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) | |
rhizoctone brun | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) |
Auxiliaires favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Bactéries fonctionnelles du sol | MOYENNE | Organismes fonctionnels du sol | |
Organismes fonctionnels du sol | MOYENNE | Organismes fonctionnels du sol | |
Pollinisateurs | MOYENNE | Pollinisateurs |
Auxiliaires défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques favorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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5. Pour en savoir plus
6. Mots clés
Méthode de contrôle des bioagresseurs : Lutte biologique
Mode d'action : Action sur le stock initial
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides :