Mettre en place des paillages ou des mulchs en cultures légumières
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1. Présentation
Caractérisation de la technique
Description de la technique :
Fiche initialement créée à partir du guide pratique pour la conception de systèmes de culture légumiers économes en produits phytopharmaceutiques (2014, Fiche technique T20) puis enrichie en 2021 par le Groupe Technique Adventices du GIS PICLEG.
Principe
Cette technique consiste à disposer sur le sol des matériaux formant un écran, en vue de limiter le développement des adventices, protéger le sol des pluies battantes, limiter l'évaporation, prévenir la salissure des légumes et leur contamination éventuelle par des maladies telluriques... Les matériaux utilisables sont divers : films plastiques ou biodégradables, toiles hors sol, toiles géotextiles, toiles à base de végétaux (sisal, chanvre, jute,...) paille, papier, écorces, bois raméal fragmenté (BRF), mulch à partir d’un couvert végétal d’interculture, paillage minéral...
Caractéristiques des matériaux utilisables
De nombreux matériaux aux caractéristiques différentes sont donc disponibles pour la réalisation d’un paillage ou d’un mulch. Plusieurs critères sont ainsi à prendre en compte dans le choix du matériau utilisé :
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L’épaisseur du matériau (dont le choix impactera le coût, la solidité, la complexité de pose et l’efficacité contre les adventices) ;
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La couleur du matériau (qui impacte le réchauffement du sol et l’efficacité contre la levée des adventices) ;
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Le caractère biodégradable ou non du matériau (qui impactera le coût, mais fera aussi varier le temps de travail et les coûts de recyclage liés au paillage (recyclage/récupération)).
Le tableau ci-dessous détaille de manière non-exhaustive les avantages et inconvénients spécifiques de quelques matériaux utilisables.
Matériaux | Avantages | Inconvénients | ||
Film plastique noir | Stoppe efficacement la croissance des adventices (absence de lumière) | De manière générale bonne efficacité de ces matériaux contre les adventices Théoriquement réutilisable sur plusieurs campagnes (assez rarement car la récupération est chronophage et exige que le plastique soit encore en bon état) | Surchauffe possible des cultures en été (concentration de la chaleur) | Matière plastique consommatrice de ressources fossiles En pratique, récupération / recyclage parfois difficile (salissures, déchirures...) Coût de recyclage élevé (~300 €/T de film agricole usagé) Selon l’épaisseur, assez complexe à mettre en place (assez fragile) |
Film plastique transparent | Réchauffe le sol, sans risque d’échauffement de la culture (transmission du rayonnement) | Ne limite pas la croissance des adventices sous le film | ||
Film plastique opaque thermique (vert, gris, rouge, marron) | Solution intermédiaire entre le film noir et le transparent pour la croissance des adventices et l’échauffement | Solution intermédiaire entre le film noir et le transparent, pour la croissance des adventices et l’échauffement | ||
Film plastique blanc | Pas de risque de surchauffe Éclairement des cultures en plus (réfléchissement du rayonnement) | / | ||
Films et toiles biodégradables (bioplastiques, toiles en fibres végétales (jute, sisal, chanvre)) | Biodégradable après broyage et enfouissement Efficacité similaire à des films plastiques lorsque le film biodégradable est encore en bon état | Coût élevé à l’achat et non réutilisable Fragilité lors de la pose et sur la culture Efficacité moindre contre les adventices lorsque le film commence à se dégrader | ||
Géotextile | Mêmes avantages que les films plastiques classiques Très bonne résistance et durabilité | Plus cher à l’achat Matériau lourd Mêmes inconvénients que les films plastiques vis-à-vis du recyclage | ||
Papier | Dégradation complète et rapide Moins onéreux Bonne perméabilité | Adapté uniquement aux cultures à cycle court Fragile | ||
Mulch végétal sec (paille, écorce, BRF) | Peut permettre de valoriser des déchets végétaux | Améliore la vie et la fertilité du sol | Peut provoquer une “faim d’azote” du sol (mulch trop riche en carbone)(atténué si compostage) Coût si achat du matériau | Risques sanitaires et de salissement (dépend de la qualité du mulch) Peut retarder le réchauffement du sol si trop épais |
Mulch végétal vert (à partir d'un couvert d'interculture) | Diminution des consommations énergétiques (moins de travail du sol) | L’absence de travail du sol (semis direct dans le couvert couché) peut avoir des impacts négatifs sur sa structure et parfois sur sa fertilité Faisabilité pas toujours assurée selon les espèces du couvert et la culture Nécessite un matériel spécifique |
Quelques exemples de mise en œuvre
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Utilisation d’un paillage biodégradable en culture de tomate de plein champ : projet SYSTOM (SONITO)
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Cultiver sur un couvert végétal couché en culture de courge de printemps : Projet SOILVEG (GRAB, 2016)
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Evaluation d’un couvert couché de sarrasin-féverole-phacélie en vue d’une implantation de courge et de carotte en AB (ACPEL, 2017)
Précision sur la technique :
Mise en place du paillage / mulch
Hormis en cas de plantation / semis dans un couvert végétal couché, le paillage ou le mulch doit dans tous les cas être posé sur un sol propre, préparé pour la culture et ressuyé. Dans le cas de films plastiques, il doit être appliqué au plus près du sol, sans poche d’air, et être fixé sur les bords de la bande de culture à l’aide de terre. Un matériel spécifique peut être nécessaire pour faciliter l’installation du paillage (dérouleuse pour les films plastiques, épandeur pour les mulchs secs, rouleau ou broyeur pour les mulchs de végétaux verts).
En cas de culture de printemps, il est recommandé de réaliser la pose du paillage 10 à 15 jours avant la plantation, afin de permettre au sol de se réchauffer (excepté pour les films biodégradables ou papiers qui doivent être posés au dernier moment).
Une technique à combiner avec d’autres moyens de gestion des adventices
Attention, quelque soit le matériau utilisé, pour limiter le recours aux herbicides, il est important de combiner le paillage à d’autres techniques de gestion des adventices au sein du système de culture, comme par exemple le faux semis, une succession diversifiée, l’alternance labour/non labour, ou l’utilisation de désherbage mécanique en amont de la pose du paillage.
Récupération et recyclage du paillage
En fin de campagne, la gestion du paillage utilisé doit être prévue. Les films plastiques peuvent ainsi être récupérés manuellement ou mécaniquement. Si leur état le permet, ils peuvent éventuellement être conservés en vue d’une nouvelle utilisation. Sinon, leur recyclage ou leur valorisation énergétique, via des filières agréées, est obligatoire. Pour le recyclage, cette collecte est effectuée par ADIVALOR, sous réserve de respecter certaines consignes de tri et de nettoyage, notamment un taux de salissures (eau, matières organiques ou minérales) inférieur à 50%. Ce seuil est toutefois très rarement atteint en pratique et les stations régionales ont ainsi travaillé sur la mise au point d’outils permettant de l’atteindre (programme RAFU).
Concernant les paillages et mulchs biodégradables, leur enfouissement après la récolte doit être prévu afin d’assurer leur bonne dégradation.
Pour plus de détails sur le recyclage et la dégradation, voir ce document du CTIFL (2006).
Période de mise en œuvre
Echelle spatiale de mise en œuvre
Application de la technique à...
Toutes les productions : Facilement généralisableCette technique est applicable à diverses cultures légumières plantées, en plein champ (salades, melon...), sous abris (laitue, tomate...) et sous serres (concombre, tomate...).
Tous les types de sols : Facilement généralisable
Tous les contextes climatiques : Facilement généralisable
Réglementation
InfluenceTous les films plastiques sont soumis à des normes européennes et françaises. Les films biodégradables respectent également des normes spécifiques, garantissant leur capacité de dégradation (Norme NF EN:17033, Plastiques - Films de paillage biodégradables thermoplastiques pour utilisation en agriculture et horticulture).
Les paillages plastiques suivent la réglementation générale sur les déchets pour leur recyclage. Leur brûlage et leur enfouissement sauvage sont ainsi interdits. Ils doivent être collectés par ADIVALOR pour être recyclés, ou à défaut soumis à une valorisation énergétique. Certaines consignes de propreté et de tri sont ainsi à respecter pour le recyclage de ces plastiques.
2. Services rendus par la technique
Régulation et gestion des adventices
Stockage et gestion de l'eau
Gestion des maladies
3. Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air : En augmentationIl y a diminution des transferts de polluants vers l’air grâce à la réduction des herbicides et fongicides et à la réduction du lessivage.
Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation
Il y a diminution des transferts de polluants vers l'eau grâce à la réduction des herbicides et fongicides et à la réduction du lessivage.
Effet sur la consommation de ressources fossiles : Variable
L'effet global est difficile à évaluer et variable selon les matériaux utilisés. D’un côté, il y a une réduction de la consommation de carburant si le paillage remplace des traitements (herbicides, fongicides), mais dans le cas de paillages à l’aide de films plastiques, il y a une augmentation de la consommation en ressources fossiles via la fabrication de ces matériaux. En cas de mulch, les volumes à apporter sont élevés (1 cm d’épaisseur = 100 m3/ha couvert) et la ressource n'est pas toujours locale, ce qui occasionne des transports supplémentaires.
Quantité de déchets : En augmentation
Il y a une augmentation de la quantité de déchets qui doivent être traités après usage, en particulier dans le cas d'utilisation de matières plastiques non recyclables.
Critères "agronomiques"
Productivité : En augmentationIl y a une diminution du risque de contamination des feuilles et des fruits par certains bioagresseurs telluriques (Sclerotinia et Rhizoctonia en salade et melon).
Qualité de la production : En augmentation
Il y a une augmentation de la qualité visuelle grâce à la propreté des produits récoltés, malgré que les plastiques biodégradables peuvent présenter des “paillettes” qui s’incrustent sur les fruits qui reposent dessus (ex : melons), ce qui est généralement mal perçu par les clients.
Fertilité du sol : En augmentation
Il y a une augmentation du taux de matière organique dans le cas de mulch, ainsi qu'une limitation du risque de lessivage et une meilleure protection de la structure du sol (tassement, érosion, battance) contre les pluies en plein champ.
Stress hydrique : Variable
En principe, il y a un maintien plus long de l’humidité au sol.
Effets thermiques sur la précocité : Variable
Il y a une augmentation possible de la précocité des cultures grâce au réchauffement du sol plus rapide induit par certains paillages. A noter, les plastiques clairs ou transparents ont un meilleur effet thermique et induiront une élévation de température du sol plus élevé que des plastiques sombres ou noirs.
Cependant il y a un risque éventuel de surchauffe estivale et de dommages aux cultures en cas de paillage plastique de couleur sombre (concentration du rayonnement solaire).
En cas de paillage blanc (réfléchissement du rayonnement solaire), il y a une augmentation possible de l’éclairement avec un impact sur la photosynthèse.
Critères "économiques"
Charges opérationnelles : Variable
Il y a une économie de main d’oeuvre (arrachage des herbes), de traitements ou de charges de mécanisation (désherbage mécanique) grâce à cette technique.
Pour un paillage plastique, un investissement est nécessaire, allant de 0,05 à 0,15 €/m² (2013) en fonction de l’épaisseur, du type de paillage et du pourcentage de couverture du sol. Ce coût peut s’élever de 0,30 à 0,70 €/m² pour des paillages biodégradables, selon les matériaux. En cas de mulchs ou de paillages végétaux, le coût pourra également être élevé et dépendra de la facilité d’accès à la ressource localement (disponibilité en paille ou en BRF…) ou du coût d’implantation du couvert en cas de mulch vert.
Les charges liées à la pose et au retrait du plastique sont aussi à prévoir (main d’oeuvre, matériel spécifique).
Le financement de la filière de recyclage mise en place par ADIVALOR est également à supporter. Elle est financée par deux moyens (source CPA) :
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une éco-contribution à la source qui s’élève à 240 €/t plastique neuf (2020) pour les films de paillage,
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des frais de reprise qui s’élèvent à 145 €/t de film agricole usagé (FAU) pour les paillages lorsque le taux de souillure est Le traitement des déchets peut atteindre 24075 €/t (202013) lorsque les plastiques non dégradables ont un niveau de salissure supérieur à 560 % (2020).
Une bonification est toutefois possible et restituée pour les FAU dont le taux de souillure est inférieur à ce taux : 95 €/t pour les plastiques clairs (C1), 50 €/t pour les plastiques de couleur (F) (2020)
La consommation en eau d'irrigation est également réduite.
Critères "sociaux"
Temps de travail : Variable
L’effet sur le temps de travail global est variable. La pose du paillage peut prendre un temps non négligeable dans le cas d’une pose manuelle, mais qui peut être mécanisée. Dans le cas des mulchs, les temps de broyage, transport, épandage et enfouissement peuvent être longs. Enfin, dans le cas des paillages biodégradables, un broyage en fin de culture peut être nécessaire.
La présence du paillage permet toutefois également des gains de temps sur les opérations de désherbage ou d’irrigation, ce qui compense le surplus de travail lié à sa mise en place. Pour certaines cultures (salade…), la récolte peut aussi être facilitée par la présence du paillage.
4. Organismes favorisés ou défavorisés
Bioagresseurs favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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escargot | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | Dans le cadre de mulchs végétaux les limaces et les escargots peuvent être favorisés |
limace | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | Dans le cadre de mulchs végétaux les limaces et les escargots peuvent être favorisés |
rhizoctone brun | MOYENNE | agent pathogène (bioagresseur) | Certaines espèces de champignons peuvent être favorisés par un microclimat crée par du paillage plastique (rhizoctonia par exemple) |
rongeur | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | Dans le cadre de mulchs végétaux, mais aussi de paillages, les rongeurs peuvent être favorisés, car protégés de leurs prédateurs. |
vivaces | MOYENNE | adventices | Les paillages ou mulchs peuvent favoriser le développement des vivaces. |
Bioagresseurs défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Adventices annuelles | FORTE | adventices | |
mouches des cultures légumières | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | La présence d’un paillage plastique ou d’un mulch végétal peut perturber les pontes de certaines espèces de mouches (Delia platura, Delia radicum, Psila rosae) sur le sol ou au collet de plantes |
sclérotinia | FAIBLE | agent pathogène (bioagresseur) | La présence d’un paillage plastique sur le sol peut éventuellement éviter la contamination des plantes par la projection de spores présentes dans la terre (cas de sclérotinia en culture de laitue) |
thrips des cultures légumières | MOYENNE | ravageur, prédateur ou parasite | La présence d’un paillage plastique ou d’un mulch végétal de couleur claire (mulch de chènevotte par exemple) sur le sol perturbent la reconnaissance des cultures de plein champ par les thrips ainsi que leur cycle biologique. |
Auxiliaires favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Araignées | FORTE | Ennemis naturels des bioagresseurs | Dans le cas de mulchs végétaux les Carabidés, araignées, champignons antagonistes, vers de terre et autres organismes détritivores du sol, ainsi que la flore bactérienne sont favorisés |
Carabes prédateurs et granivores | FORTE | Ennemis naturels des bioagresseurs | Dans le cas de mulchs végétaux les Carabidés, araignées, champignons antagonistes, vers de terre et autres organismes détritivores du sol, ainsi que la flore bactérienne sont favorisés |
Champignons (auxiliaire) | FORTE | Ennemis naturels des bioagresseurs | Dans le cas de mulchs végétaux les Carabidés, araignées, champignons antagonistes, vers de terre et autres organismes détritivores du sol, ainsi que la flore bactérienne sont favorisés |
Vers de terre | FORTE | Organismes fonctionnels du sol | Dans le cas de mulchs végétaux les Carabidés, araignées, champignons antagonistes, vers de terre et autres organismes détritivores du sol, ainsi que la flore bactérienne sont favorisés |
Auxiliaires défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques favorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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5. Pour en savoir plus
6. Mots clés
Méthode de contrôle des bioagresseurs : Lutte physique
Mode d'action : Action sur le stock initial Barrière
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides : Substitution