TECHNIQUE

Pratiquer l’enherbement spontané ou semé de l’inter-rang en cultures pérennes : vignes et vergers


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Enherbement de l'inter-rang de vigne

Crédit : Massol T.

Aboutie
Dernière modification : 30/09/2021
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1. Présentation


Caractérisation de la technique

Description de la technique :

L’enherbement spontané ou semé de l’inter-rang en vigne consiste à entretenir ou semer un couvert végétal permanent ou temporaire entre les rangs de vigne non pour être récolté mais pour rendre des services écosystémiques.

Cette technique permet en premier lieu d’améliorer la fertilité physique et biologique du sol par action mécanique en limitant les phénomènes d’érosion hydrique et éolienne, de ruissellement et de transfert des éléments chimiques vers les nappes d’eau souterraines. Il joue aussi un rôle important dans le maintien de la faune du sol, favorise les auxiliaires, diminue les populations de ravageurs et les risques de maladies. L’enherbement semé permet de diminuer l’abondance de la flore adventice nuisible ou de modifier les communautés présentes sur la parcelle. Cette technique permet donc de limiter le recours aux herbicides. L’enherbement temporaire est le plus souvent retrouvé sous le nom d’« engrais vert » et permet de fertiliser à la vigne.

 

Conditions de réussites :

L’idéal pour les vignerons est de laisser se développer la flore spontanée, riche en diversité, adaptée au terroir et qui ne nécessite pas de semis. Le degré de couverture du sol de 50% est avancé comme étant efficace pour améliorer l'infiltration de l’eau et réduire le ruissellement (Andrieux, 2015). Toutefois, une biomasse trop importante peut accroitre le risque de gel.

Le semis est recommandé lorsque l’enherbement naturel ne permet pas de satisfaire les objectifs recherchés par le producteur tels que la maitrise d’espèces indésirables ou encore l’augmentation du taux de matière organique.

 

Précision sur la technique :

  • Choix des espèces 

Dans le cas de l'enherbement semé, le choix des espèces est à raisonner en fonction de la situation pédoclimatique et du comportement attendu du couvert (concurrence, pérennité, résistance à la sécheresse). Les mélanges sont plus intéressants que les semis mono-espèces car ils permettent d'augmenter la probabilité d’implantation d’au moins une partie des plantes semées et permettent au couvert de cumuler les services. Dans le cas de l’enherbement semé permanent, il faut implanter des espèces pluriannuelles, de 3-4 ans dans l’idéal, afin de garantir le maintien du couvert pendant plusieurs années.

L'enherbement peut donc être spontané ou semé avec des espèces annuelles ou pérennes selon les objectifs recherchés (tableau 1). Les types d'enherbements peuvent être alternés.

 

Tableau 1 : Espèces adaptées au type d’enherbement choisi et au service recherché

Des exemples d’espèces et doses de semis d’enherbements permanents et temporaires adaptés au type de sol et au climat sont disponibles page 38 du dossier d’Agrobioperigord.

 

  • Implantation 

La préparation du lit de semences se fait avec un outil à dent pour décompacter les premiers centimètres du sol, combiné à un outil rotatif permettant de briser les mottes et de niveler la surface du sol. Les semis se font généralement en automne, après les vendanges, à une profondeur de 1-2 cm pour les enherbements permanents et de 2-4 cm pour les enherbements temporaires en mélanges. Un semis au printemps est aussi envisageable mais l’implantation sera plus difficile. Il est possible d’utiliser un outil à semis direct ou un semoir combiné avec un cultipacker. Préférer les semis à la volée aux semis en lignes. Le roulage après le semis permet aux graines d’avoir un bon contact avec le sol et ainsi d’augmenter les chances de germination. Il est conseillé d’augmenter les densités si le roulage n’est pas possible.

 

  • Fertilisation/irrigation

En règle générale, aucun apport de fumure n’est à prévoir. Toutefois, un amendement organique peut être envisagé avant l’implantation de l’enherbement sur parcelle « maigre ». Un apport azoté peut être fait par un apport au sol localisé sous le rang de vigne ou par voie foliaire entre le stade floraison et fermeture de la grappe en cas de concurrence azotée excessive, pour éviter une vigueur supplémentaire du couvert. Les légumineuses, dans les couverts temporaires, n’entrent pas en concurrence pour l’azote avec la vigne. L’irrigation du couvert végétal peut être envisagée au semis.

 

  • Gestion/destruction

L’enherbement permanent est géré environ 2 fois par an par tontes. Contrairement aux idées reçues, il faut laisser épier au moins une fois dans la saison les plantes du couvert afin qu’elles fassent leur cycle (plantes annuelles) et deviennent moins concurrentielles pour la vigne. Des fauches assez fréquentes les premières années permettent d’assurer une bonne couverture du sol. Les préconisations de renouvellement du gazon sont de 5 ans mais peuvent être repoussées à 8-10 ans selon son état de propreté.

L’enherbement temporaire est détruit au printemps. Le mode de destruction dépendra du service final recherché. Afin de :

  • lutter contre l’érosion, laisser un mulch en surface de préférence par broyage ou fauchage. Le roulage est aussi possible. La fauche du couvert va aussi permettre un apport de matière organique fraiche au sol qui sera décomposée par l’activité biologique et la faune du sol.

  • maitriser les adventices, broyer le couvert avec déport sous le rang

L’enherbement peut être détruit temporairement en cas de forte sécheresse. Un désherbage mécanique ou thermique peut être réalisé sur le rang. Ce dernier est possible dans les régions n’étant pas à risque pour les incendies.

Des témoignages de vignerons existent sur l’implantation d’enherbement permanents et temporaires.

 

Points de vigilance :

L’enherbement peut être préjudiciable et engendrer une concurrence pour les ressources hydro-azotées avec la vigne dans certains contextes de production et certaines conditions pédoclimatiques. Dès lors, il est conseillé de diminuer la surface enherbée c’est-à-dire le nombre d’inter-rangs (1/2 ou 1/3) et la largeur de la bande. Les couverts temporaires et permanents peuvent être alternés sur la parcelle. De plus, la concurrence du couvert peut entrainer une diminution de la vigueur et du rendement de la vigne. Il faut donc adapter sa stratégie d’implantation et raisonner l’enherbement en fonction de ces paramètres.

L’enherbement accroit les risques de gelées printanières en cas de conduite basse de la vigne par la création d’un microclimat humide au voisinage des bourgeons. Le couvert doit être maintenu ras pendant la période à risque. Cet effet est négligeable lorsque les bourgeons sont à plus de 30cm du couvert végétal (ATV49, 2020). Le risque est aussi observable en bas de coteaux. Il est déconseillé d’enherber les jeunes vignes de moins de 4 ans en raison d’une concurrence hydro-azotée trop élevée (Chantelot., 2003).

 

Quelques actions, projets, programmes :

Le GIEE « Les enherbeurs », « Les couvreurs de vigne » et « Vignes en association » en Occitanie travaillent sur ces modalités d’implantation de couverts végétaux dans l’inter-rang de vignes.

 

Outils d’aide à la décision :

Un guide GARANCE (Guide d’Aide à la Reconnaissance des Adventices de Nouvelle-Aquitaine et Conseils pour la gestion de l’Enherbement) existe afin de distinguer les adventices invasives en parcelles viticoles de celles à protéger.



Période de mise en œuvre
Sur culture implantée
A l'implantation

L'enherbement est mis en place sur la vigne implantée ou à son implantation. L’anticipation dès l’implantation du vignoble de la présence d’un enherbement par le choix d’un matériel végétal vigoureux permet de se donner des marges de manœuvre par la suite mais cela reste une prise de risque par rapport à la contrainte hydrique que peut engendrer le couvert alors que le système racinaire de la vigne n'est pas établi.



Echelle spatiale de mise en œuvre
Parcelle


Application de la technique à...

Toutes les productions : Facilement généralisable

La technique est réalisable sur d’autres cultures pérennes comme dans les vergers.



Tous les types de sols : Généralisation parfois délicate

La majorité des parcelles peuvent être enherbées, à l'exception de celles aux sols superficiels souffrant d'un important stress hydrique et des parcelles non mécanisables (forte pente par exemple) qui ne permettent pas une mécanisation classique de la tonte.

A noter que certaines espèces sont à favoriser dans certains types de sols comme le sainfoin en sols calcaires ou le lotier corniculé en sols acides.



Tous les contextes climatiques : Généralisation parfois délicate
Continental
Océanique
Méditerranéen

L’accentuation de la contrainte hydrique et azotée n’est pas supportable dans tous les vignobles sous tous les climats.



Réglementation

Concernant la réglementation liée à la directive nitrates, référez-vous à la Draaf de votre région.

Certaines exigences réglementaires sont à respecter dans le cadre des cahiers des charges AOP et IGP. Les exploitations devront se conformer aux exigences du cahier des charges du label Hautes Valeurs Environnementales en 2030.

Il existe un guide de l’agroécologie en viticulture (IFV-INAO) qui fournit des informations techniques aux vignerons qui souhaitent faire évoluer leur démarche agroenvironnementale.




2. Services rendus par la technique


Stabilité physique et structuration du sol

Stockage et gestion de l'eau

Gestion des auxiliaires du sol

Régulation et gestion des adventices


3. Effets sur la durabilité du système de culture


Critères "environnementaux"

Effet sur la qualité de l'air : En augmentation

Par rapport à un sol nu, l'enherbement permet de diminuer l’usage des herbicides.



Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation

L’enherbement permet de diminuer l’usage des herbicides et de réduire le transfert des produits phytosanitaires et le lessivage/ la lixiviation des nutriments vers les nappes d’eau souterraines.



Effet sur la consommation de ressources fossiles : Variable

Des passages liés aux herbicides sont évités mais d’autres sont à prendre en compte pour la gestion de l’enherbement et d’éventuels semis.




Critères "agronomiques"

Productivité : Variable

L’enherbement peut induire une concurrence hydro-azotée qui diminue les rendements de la vigne. Cette baisse peut être partiellement compensée après plusieurs années d’implantation en fonction de la capacité des racines de la vigne à se développer en profondeur, selon les types de sol.



Qualité de la production : Variable

La réduction de la vigueur de la vigne liée à l'installation de l'enherbement et l'éventuelle baisse de rendements entrainent une augmentation du potentiel qualitatif de la vendange et une amélioration des qualités organoleptiques des vins : augmentation du degré alcoolique, baisse de l’acidité, amélioration du potentiel polyphénolique (Gontier). Toutefois, l’enherbement influence la composition du moût selon les régions (ITV France, 2002).

Poni et al (2018) abordent les principaux facteurs environnementaux affectant la qualité du vin et du raisin de table dans leur article.



Fertilité du sol : En augmentation

L'enherbement améliore les composantes physiques (diminution du ruissellement, de la battance et de l’érosion), chimiques (amélioration de la disponibilité des éléments nutritifs, diminution de la lixiviation) avec l'effet engrais vert et biologiques (amélioration de la vie du sol et de la teneur en matière organique) de la fertilité du sol.



Stress hydrique : En augmentation

Selon le type de sol, les conditions climatiques et la nature des espèces implantées, l'enherbement peut induire une concurrence hydrique pour la vigne.



Biodiversité fonctionnelle : En augmentation

L'enherbement permet d'apporter abri et nourriture aux animaux sauvages (oiseaux, petit gibier, ...), auxiliaires ennemis des ravageurs, pollinisateurs ainsi qu'aux organismes du sol (biomasse microbienne, vers de terre, ...). 




Critères "économiques"


Charges opérationnelles : Variable

Par rapport à un sol nu, des charges supplémentaires sont à prendre en compte pour le semis (achat de semences) et l’entretien (tonte, destruction) de l'enherbement s'il n'est pas spontané. En outre, les semences fermières ont un coût modéré vis-à-vis des mélanges semenciers. La gestion d’un couvert semé permanent de 4 tontes est estimé environ 116€/ha. La destruction d’un couvert temporaire revient entre 35€/ha pour un passage de rolofaca et 55€/ha pour l’enfouissement d’après l’IFV.

Il est possible d’estimer le coût de la pratique incluant la main d’œuvre, le coût de la traction, l'amortissement du semoir et les semences avec le logiciel Viticout®



Charges de mécanisation : Variable

La mise en place d'un enherbement peut nécessiter l’investissement dans du nouveau matériel (semoir, tondeuse, matériel de désherbage mécanique, ...) pouvant aller de 2500€ à 13500€ et peut parfois nécessiter l’achat d’un tracteur plus puissant pour entrainer le matériel. Certains viticulteurs auto-construisent leur matériel adapté aux passages dans leurs vignobles ce qui limite fortement les coûts.

Un enherbement spontané est moins coûteux qu’un enherbement semé car il ne nécessite pas l’achat de semences, ni la préparation du sol et de semis.



Marge : En augmentation

Enherber 1 rang sur 4 permet de réduire de 25% l’usage des herbicides.




Critères "sociaux"


Temps de travail : Variable

En diminuant la vigueur, l’enherbement permet de diminuer le nombre d'écimages et de passages d’entretien du sol. Toutefois, dans le cas des enherbements semés, un passage doit être pris en compte pour le semis et l’entretien des couverts. Le temps de travail ne sera pas forcément augmenté si le système est conçu dès l'implantation pour supporter la concurrence, et que la stratégie consiste à laisser les couverts s'équilibrer. Pour tous types de couvert, entre 1 (couverts temporaires) et 5 (couverts permanents) passages sont à prendre en compte pour la destruction ou l’entretien des couverts, sachant que le nombre de tontes est réduits d’années en années pour les couverts permanents.



Effet sur la santé de l'agriculteur : En augmentation

Par diminution de l’usage des produits chimiques dans leur ensemble.



Entretien du paysage : En augmentation

L'enherbement contribue à améliorer les paysages et permet de communiquer positivement.





4. Organismes favorisés ou défavorisés


Bioagresseurs favorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions

Bioagresseurs défavorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions
Cochenilles MOYENNE ravageur, prédateur ou parasite Population réduite par les coccinelles, les chrysopes
Tordeuses MOYENNE ravageur, prédateur ou parasite Population réduite par les hyménoptères parasitoïdes et les prédateurs généralistes
acarien MOYENNE ravageur, prédateur ou parasite Population réduite par les coccinelles, les chrysopes, les acariens prédateurs
adventices MOYENNE adventices Défavorisées par un effet de compétition ou allélopathique
cicadelle verte de la vigne (Empoasca vitis) MOYENNE ravageur, prédateur ou parasite Population réduite par les hyménoptères parasitoïdes et les prédateurs généralistes

Auxiliaires favorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions
Araignées MOYENNE Ennemis naturels des bioagresseurs
Carabes prédateurs et granivores MOYENNE Ennemis naturels des bioagresseurs
Chrysopes et hémérobes MOYENNE Ennemis naturels des bioagresseurs
Coccinelles MOYENNE Ennemis naturels des bioagresseurs
Parasitoïdes de cicadelles MOYENNE Ennemis naturels des bioagresseurs
Pollinisateurs MOYENNE Pollinisateurs
Staphylins MOYENNE Ennemis naturels des bioagresseurs
Syrphes prédatrices MOYENNE Ennemis naturels des bioagresseurs

Auxiliaires défavorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions

Accidents climatiques et physiologiques favorisés

Organisme Impact de la technique Précisions

Accidents climatiques et physiologiques défavorisés

Organisme Impact de la technique Précisions


5. Pour en savoir plus

Chantelot E.
ITAB, Brochure technique, 2003
Réussir, Article de presse, 2015
Maille E.
Agrobio Périgord, Brochure technique, 2017
Bourdenet M., Delorme G.
Chambre d'Agriculture Jura, Brochure technique
EcophytoPIC, Brochure technique, 2013
Forget C., Feraud O., Lion J., Jeoffre A., Bennamane S., Vergé J.L.
Chambre d'Agriculture Aude, Brochure technique, 2019
Poni S., Gatti M., Palliotti A., Dai Z., Duchêne E., Truong T.T., Ferrara G., Matarrese A.M.S., Gallotta A., Bellincontro A., Mencarelli F., Tombesia S.
Elsevier, Article de revue avec comité, 2018
Karimi B., Cahurel J.Y., Gontier L., Charlier L., Chovelon M., Mahé H., Ranjard L.
Springer Link, Article de revue avec comité, 2020

6. Mots clés


Méthode de contrôle des bioagresseurs :
Mode d'action :
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides :
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Contributeurs

30/09/2021
Marie Hedan - ACTA - Paris (75012)
charge-mission - marie.hedan@acta.asso.fr

31/03/2021
Aurélie METAY - Montpellier SupAgro - MONTPELLIER (34000)
enseignant-3eme-cycle - aurelie.metay@supagro.fr

25/02/2019
Le Bars Jordan - ACTA
charge-mission - jordan.le-bars@acta.asso.fr