Cultiver des espèces étouffantes
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1. Présentation
Caractérisation de la technique
Description de la technique :
L’introduction d’une ou plusieurs espèces étouffantes dans la rotation est un des leviers possibles pour la gestion des adventices en grandes cultures.
Ces espèces, par un effet de concurrence et leur occupation du sol, vont limiter le développement des adventices. Par conséquent, elles doivent se développer rapidement, bien couvrir le sol, et être compétitives vis-à-vis des autres plantes. Elles peuvent être des espèces annuelles ou pluriannuelles, cultivées pures ou en mélange et être considérées comme des plantes de services (par exemple, dans un couvert) ou constituer la culture principale (par exemple, l’avoine ou le sarrasin). Les espèces étouffantes peuvent aussi être présentes de façon permanente en couvert sur la parcelle pour limiter le développement des adventices.
Le choix de l’espèce et la conduite seront différents en fonction de leur position dans la rotation. Cette technique englobe de nombreuses possibilités et peut s’adapter à tous les systèmes. L’effet des espèces étouffantes dépendra de leur fréquence dans la rotation, des autres espèces présentes et du niveau de salissement de la parcelle. Cette technique est bien sûr à associer à d’autres techniques de gestion des adventices.
L'effet sur les adventices dépend des couverts et des rotations. Frédéric Thomas développe dans cette vidéo l'utilité du couvert végétal contre les plantes indésirables.
Précision sur la technique :
- Cultiver des espèces étouffantes dans un couvert d’interculture (Grandes cultures)
Exemple d’espèces étouffantes d’interculture (Agro-Transfert)
Capacité d'étouffement* | Bonne | Moyenne | Faible |
Couvert d'interculture | Moutarde blanche, moutarde brune, radis fourrager, colza, navette fourragère, phacélie, vesce commune de printemps, chou fourrager | Sarrazin, seigle, avoine d'hiver, avoine de printemps, repousses blé/orge, trèfle incarnat, trèfle d'Alexandrie, nyger, moha | Tournesol, ray-grass d'Italie |
* pour un couvert implanté seul, qui se développe dans de bonnes conditions
Plus la biomasse développée sera importate, plus l'effet étouffant sera fort. Dans cette logique, l'association de plusieurs espèces peut être intéressante. En effet, plus il y aura d’espèces différentes au sein du couvert, plus les niches écologiques du sol seront occupées et moins les adventices auront de chance pour lever et/ou croître. Le semis à forte densité et à écartement réduit augmente le pouvoir étouffant. Il est important que le couvert soit bien développé pour apporter son caractère étouffant, il faudra donc prêter une attention particulière à sa mise en place pour favoriser sa réussite. Attention aussi à sa destruction : du fait de sa forte compétitivité, ce type de couvert doit être bien détruit pour éviter les repousses dans la culture suivante.
Points de vigilance : ces couverts d'interculture ont des effets sur les adventices annuelles mais peu sur les vivaces. Au contraire, certaines cultures à cycle long (luzerne, chanvre...) auront des effets sur les annuelles mais aussi les vivaces.
- Cultiver des espèces étouffantes en tant que culture principale (Grandes cultures)
Exemple d’espèces étouffantes en culture principale .
Capacité d'étouffement | Bonne | Moyenne | Faible |
Cultures | Avoine d'hiver, triticale, orges | Blé tendre, colza | Autres cultures |
(Source : Agro-Transfert)
La luzerne, le chanvre et les associations céréales-protéagineux ont également un bon pouvoir couvrant. A l’inverse, les légumineuses annuelles sont généralement de piètres concurrentes. Dans le cas particulier de la luzerne, les fauches régulières permettent également la gestion des adventices en les empêchant de monter à graines et limitent ainsi leur propagation.
Outre le choix de l’espèce, le choix de la variété pourra également être important : la plante devra avoir une levée rapide, un port de feuilles retombant et un bon pouvoir couvrant. Comme pour les couverts d’interculture, le semis à forte densité et à écartement réduit augmente le pouvoir étouffant. Attention cependant à ne pas dépasser les densités préconisées sur les cultures principales : une forte densité n’est pas toujours équivalente de rendement élevé et elle peut augmenter le risque de maladies et de verse. Un faible écartement ne permettra pas non plus de réaliser un binage si nécessaire.
- Cultiver des espèces étouffantes comme plantes de services en association à la culture principale
- Viticulture : Il est possible de pratiquer l’enherbement en inter-rangs, sous le rang ou total dans les vignobles.
- Grandes cultures : Dans le cas de cultures à fort écartement ou à développement lent, comme par exemple pour les oléo-protéagineux (soja, féverole, lupin, …), l’ajout d’une plante de service, à caractère étouffant, à la culture principale permettra de limiter le développement des adventices. Cette plante de service doit être semée à faible densité pour ne pas trop concurrencer la culture principale et choisie en fonction de l’objectif, notamment sa présence ou non jusqu’à la récolte. Elle peut être semée en mélange sur le rang ou en plein.
Exemple de plantes de services associées
Culture principale | Exemples de plantes de services | Projet de recherche |
Soja | Sarrasin, cameline | SECALIBIO, W-SOLENT |
Pois | Orge, blé | PROGRAILIVE |
Féverole | Triticale, blé | PROGRAILIVE |
Lupin | Triticale | PROGRAILIVE |
Colza | Légumineuses gélives |
Période de mise en œuvre
Echelle spatiale de mise en œuvre
Application de la technique à...
Toutes les productions : Facilement généralisableL’aspect étouffant entre en jeu dès lors qu’une culture vient en concurrence avec les adventices sur la parcelle, qu’elle soit pure sur un sol nu ou que ce soient les plantes de services associées à une culture principale.
Tous les types de sols : Facilement généralisable
La technique en elle-même est généralisable à tous les sols. La différence se fera sur le choix des espèces étouffantes.
Tous les contextes climatiques : Facilement généralisable
La technique est généralisable à tous les climats. La différence se fera sur le choix des espèces étouffantes.
Réglementation
Concernant la réglementation sur les couverts liée à la Directive Nitrates, référez-vous à la Draaf de votre région.
2. Services rendus par la technique
Régulation et gestion des adventices
3. Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air : En augmentationRéduction attendue de l'usage d'herbicides (et éventuellement d'autres produits phytosanitaires) et faible niveau d'intrants requis par les cultures étouffantes. Si des cultures étouffantes viennent diversifier les rotations, une réduction de l'usage de fongicides et insecticides peut également être attendu du fait de l'interruption des cycles d'autres bio-agresseurs que les adventices.
Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation
Réduction attendue de l'usage d'herbicides (et éventuellement autres produits phytosanitaires) et faible niveau d'intrants requis par les cultures étouffantes. Le transfert de produits phytosanitaires est fonction des caractéristiques physico-chimiques des molécules.
Effet sur la consommation de ressources fossiles : Variable
Evolution variable selon les espèces choisies et les itinéraires techniques associés. La mise en place d’une interculture ajoute un passage d’outil pour le semis et un pour la destruction (consommation de fuel et émissions de GES). Toutefois, des passages liés au désherbage peuvent être évités.
Critères "agronomiques"
Productivité : VariableL'effet précédent de la culture introduite peut améliorer ou détériorer le rendement de la culture suivante. Cependant, la fertilité physico-chimique du sol est maintenue voire améliorée, ainsi que le contrôle du développement des bioagresseurs. Dans le cas d’une espèce étouffante cultivée en même temps que la culture principale, une baisse de rendement est possible mais dépend des conditions. Un chapitre de l’ouvrage Culture intermédiaires – impacts et conduite (chap. Effets des couverts sur le rendement de la culture suivante) publié par Arvalis montre que les rendements de la culture suivante sont augmentés avec l’effet précédent « azote » des légumineuses dans les cultures intermédiaires.
Qualité de la production : Pas d'effet (neutre)
Fertilité du sol : En augmentation
Les cultures variées permettent d’augmenter la fertilité physique, chimique et biologique du sol. En effet, elles permettent une exploration plus complète des horizons du sol, de fixer ou augmenter la disponibilité des éléments nutritifs du sol ainsi que la vie biologique et la matière organique.
Stress hydrique : Pas d'effet (neutre)
Pas d'effet particulier attendu.
Biodiversité fonctionnelle : En augmentation
Augmentation de la biodiversité cultivée, et vraisemblablement de la biodiversité sauvage associée (habitats et ressources plus variés).
Pression des bioagresseurs : En diminution
Si des cultures étouffantes viennent diversifier les rotations, on peut attendre une réduction des pressions dues aux insectes et aux maladies du fait de l'interruption des cycles d'autres bio-agresseurs que les adventices.
Critères "économiques"
Charges opérationnelles : En diminution
Evolution fonction des cultures introduites (augmentation des charges pour les cultures intermédiaires, mais compensation possible si elles apportent de l'azote dans le système). Réduction éventuelle des charges phytosanitaires grâce à la réduction de pression de certains bioagresseurs dans le couvert (effet de la diversification des rotations).
Charges de mécanisation : Variable
Evolution variable selon les espèces choisies et les itinéraires techniques associés. Réduction du nombre de passage liés à l’usage de produits phytosanitaires et aux engrais. Toutefois, le semis peut parfois nécessiter deux passages.
Marge : Variable
Variable selon les conditions climatiques de l'année, les prix de vente et la valorisation du mélange car :
- Diminution des charges phytosanitaires (au moins poste fongicide) mais
- Peut s'accompagner d'un coût supplémentaire de tri des graines à la récolte.
Ces mélanges sont très intéressants pour une valorisation en consommation animale (ensilage, fourrage ou récolte en grains).
Critères "sociaux"
Temps de travail : Variable
Variable selon la ou les cultures introduites. Réduction du nombre de passages liés à l’utilisation d’herbicides dans la parcelle mais autres interventions pour semer et détruire le couvert.
Période de pointe : En diminution
La diversification n'implique pas d'augmentation systématique de la charge globale de travail. Elle peut limiter les pointes de travail par l'étalement des chantiers (semis, récoltes). L'agriculteur ressent souvent une augmentation de la charge de travail qui vient en réalité d'une répartition différente. Le système est cependant plus complexe, certaines activités prennent plus de temps (réglage des outils par exemple).
Effet sur la santé de l'agriculteur : En augmentation
Diminution du risque d'exposition aux pesticides pour les applicateurs.
Temps de formation : En augmentation
L'introduction de nouvelles cultures ou techniques peut nécessiter une formation des agriculteurs. Conduire un plus grand nombre de cultures requiert plus de savoir-faire, nécessite des apprentissages, etc.
Temps d'observation : En augmentation
Chaque culture requiert des observations spécifiques. Introduire des cultures étouffantes revient en partie à diversifier les cultures, ce qui implique un temps d'observation supérieur.
4. Organismes favorisés ou défavorisés
Bioagresseurs favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Bioagresseurs défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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adventices | MOYENNE | adventices |
Auxiliaires favorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Auxiliaires défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Type | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques favorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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Accidents climatiques et physiologiques défavorisés
Organisme | Impact de la technique | Précisions |
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5. Pour en savoir plus
6. Mots clés
Méthode de contrôle des bioagresseurs : Contrôle cultural
Mode d'action : Atténuation
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides : Reconception
Contributeurs
charge-mission - celine.bourlet@pl.chambagri.fr