PILOTER LA RESSOURCE EN EAU

 

 

La compréhension des impacts du changement climatique sur le cycle de l’eau est indispensable pour envisager des leviers d’action permettant d’accroître la résilience de la production agricole vis-à-vis de l’évolution de cette ressource. Les deux principales évolutions climatiques qui exercent actuellement une influence perceptible sur les masses d’eau continentales en France métropolitaine sont décrites dans le schéma ci-dessous.

 

 

Schéma réalisé à partir de Météo France ; 2023

 

Une des conséquences de ces deux changements climatiques est la diminution de 14 % des volumes d’eau renouvelable (l’eau issue des précipitations et qui ne retourne pas à l’atmosphère, ainsi que celle des cours d’eau) en France métropolitaine entre les périodes 1990-2001 et 2002-2018 (moyenne annuelle) (Météo France ; 2023). La diminution de ces flux d’eau entraine donc une baisse croissante des niveaux d’humidité du sol.

Les impacts déjà perceptibles sur les productions agricoles sont par exemple des difficultés de levée des semis à l’automne et au printemps, ainsi que des baisses de production des cultures dues à des stress hydriques plus longs et intenses durant les sécheresses estivales.

L’irrigation représente en ce sens un levier de sécurisation de la production agricole pour limiter l’impact de ces stress, alors même que les volumes d’eau souterraine et renouvelable qui seraient disponibles pour irriguer tendent à se réduire : entre 2017 et 2020, plus de 30 % du territoire a été concerné chaque année par des restrictions d’usages de l’eau (Météo France ; 2023). D’ici 2050, la recharge des nappes aura nettement diminué (-10 à -25%), ainsi que le débit moyen annuel des cours d’eau (-10 à -40%) (Explore 2070 ; cité par Chambres d’agriculture France ; 2015).

Dans ce contexte de tensions grandissantes sur la ressource en eau, la gestion de l’eau doit être en premier lieu raisonnée de façon collective à l’échelle d’un bassin versant, en prenant en compte tous les usages du territoire, par exemple dans le cadre de Projet de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE). Ces dispositifs doivent permettre de communiquer les prévisions climatiques futures à toutes les parties prenantes, de s’accorder sur les changements d’infrastructure ou d’usage à planifier, avec l’objectif de mutualiser certains usages et d’éviter les mal-adaptations.

Concernant le secteur agricole particulièrement, améliorer la résilience des systèmes de production face à la diminution progressive de l’accès à l’eau implique dans un premier temps de réduire leur dépendance à l’eau : ces leviers sont approfondis dans les autres thématiques notamment ceux concernant l’adaptation des cultures et la diversification des assolements. (cf. Diversifier les ateliers, Adapter le matériel végétal et l’assolement).

C’est dans un second temps, une fois que les besoins en eau ont été optimisés en prenant en compte les évolutions futures de la ressource, que la gestion de la ressource en eau doit être raisonnée.

Cette gestion début par une réflexion sur les sources de prélèvement de cette eau :

 

Mobiliser des ressources en eau renouvelables

Afin de réduire la pression de prélèvement sur les milieux naturels, l’eau peut être captée via d’autres circuits. C’est le cas avec la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) qui est en train de se développer en France métropolitaine, ou encore avec le recyclage des eaux de drainage.

 

Recycler les eaux usées traitées et eaux grises

 

Recycler les eaux de drainage

 

Ces différentes ressources en eau ne sont pas disponibles ou captables sur tous les territoires, mais ces pistes doivent être envisagées dans un premier lieu pour pouvoir baser le système agricole irrigué sur la ressource en eau la plus durable possible.


 

Le stockage de l’eau atmosphérique (qui, sous nos latitudes, correspond principalement aux eaux de pluie récupérables via les toits et serres) et de l’eau de surface et souterraine, reposent sur des volumes d’eau qui vont fortement varier dans les décennies à venir. Ces projets doivent donc être réfléchis avec une vision de long terme, en fonction de leur impact sur tous les aspects de l’agroécosystème (couple sol-plante agricole et sol-plante environnant : haies, ripisylves, bosquets, etc.).

 

Stocker l’eau atmosphérique

 

Stocker les eaux de surface et souterraines

Une fois que la source de l’eau mobilisée est fixée, dans le cas où celle-ci est prélevée pour irriguer les cultures, le pilotage de l’irrigation constitue la prochaine étape essentielle dans la gestion durable de cette ressource :

 

Piloter la ressource en eau

Le pilotage de l’irrigation consiste à planifier l’utilisation d’un équipement d’irrigation à l’échelle de l’exploitation pour une campagne donnée, puis à ajuster le volume d’eau pendant la campagne en fonction des apports par les précipitations et de l’état hydrique du sol. L’efficacité observée du pilotage de l’irrigation pour réaliser des économies d’eau à l’échelle des exploitations et des territoires en fait un des leviers prioritaires pour mieux gérer la ressource en eau (Wittling et al., 2020).

Le choix d’une stratégie d’irrigation en fonction des cultures et de la ressource en eau disponible est la première étape du pilotage à réaliser en amont de chaque campagne d’irrigation.

 

Etablir une stratégie d'irrigation avant campagne

 

Parmi les différentes stratégies d’irrigation, certaines peuvent permettre de s’adapter à une ressource en eau particulièrement restreinte. L’irrigation suboptimale consiste par exemple à mieux valoriser les apports d’eau pendant les périodes clés de développement de la culture, et tout en repensant les objectifs de production.

 

Pratiquer une irrigation de résilience

 

Ensuite, c’est tout au long de la campagne que cette stratégie pourra être ajustée en fonction des conditions climatiques de l’année, notamment via l’utilisation d’outils techniques d’aide à la décision (méthodes et outils de mesure) qui seront détaillés pour chaque filière ci-après.

 

Ajuster la stratégie d’irrigation en cours de campagne

 

 

Assurer une bonne répartition des apports et limiter les pertes

 

Cet axe de réflexion va de pair avec le pilotage de l’irrigation car les deux ont pour but d’assurer une répartition et une valorisation optimale des apports.

Cette optimisation vise en fait à améliorer l’efficience de chaque goutte d’eau apportée à la culture (kg produit par mm d’eau apporté).

L’augmentation de l’efficience de l’eau d’irrigation peut passer un premier temps par le choix d’un matériel d’irrigation efficient et adapté au contexte de l’exploitation.

 

Utiliser un système d'aspersion et micro-aspersion localisée : le goutte-à-goutte et les micro-jets

 

Utiliser un pivot ou une rampe frontale avec des asperseurs adaptés

 

Adapter ou arrêter l'irrigation en cas de vent

 

Réaliser une modulation intra-parcellaire de la dose apportée

 

En cours de campagne, l’optimisation des apports implique également la réduction des pertes en eau. Or, le vent peut être à l’origine de dérives importantes lors de l’irrigation, il est donc indispensable d’ajuster le pilotage dans ces situations.

 

Entretenir les équipements d'irrigation

 

 

Optimiser l'utilisation de l'eau dans l'atelier d'élevage

La gestion de la ressource en eau concerne également d’autres utilisations que l’irrigation, comme l’eau d’abreuvement et de nettoyage utilisée dans les ateliers d’élevage.

 

Optimiser l’utilisation de l'eau dans l'atelier d'élevage

 

Enfin, la gestion durable de la ressource hydrique est fortement liée à un compartiment de stockage de l’eau qui est central pour la production agricole : le sol. Mieux stocker l’eau, c’est aussi améliorer l’infiltration et la rétention de l’eau dans les sols afin de valoriser au mieux l’eau des précipitations et des irrigations (cf. Améliorer les propriétés du sol, Assurer une couverture régulière du sol).

 

 

RESSOURCES TRANSVERSALES AUX TECHNIQUES DEPLOYABLES DANS CE LEVIER

 

Outils techniques et guides d’accompagnement

 

Les éditions ARVALIS produisent divers guides et ouvrages techniques permettant de mieux gérer l’eau et notamment l’irrigation :

 

Pour en savoir plus sur l’évaluation de chaque pratique (matériel, pilotage, etc.) en vue d’une économie d’eau 

 

  • Une étude complète de l’Agence de l’eau Adour-Garonne a été réalisée en 2018 pour renforcer les actions d’économie d’eau en irrigation.