TECHNIQUE

Implanter des légumineuses en interculture


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Trèfle incarnat

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Aboutie
Dernière modification : 10/06/2021
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Discussion liée

1. Présentation


Caractérisation de la technique

Description de la technique :

Les légumineuses sont des espèces intéressantes d’un point de vue agronomique car elles ont la capacité de fixer l’azote de l’air grâce à une association symbiotique avec une bactérie du sol du genre Rhizobium. Ce processus permet de fournir de l’azote dans les systèmes agricoles de manière naturelle et à moindres coûts.

L’intérêt d’implanter une légumineuse en interculture est que l’azote de l’air qui a été fixé par la légumineuse sera restitué à la culture suivante grâce à la décomposition des résidus de cultures, sauf si l’interculture est récoltée en fourrage (culture dérobée).

Les résidus les plus facilement dégradables, telles que les feuilles et les tiges peu ligneuses, vont se décomposer et minéraliser l’azote rapidement, ce qui permettra d’obtenir de l’azote disponible en quelques semaines. Les parties ligneuses, telles que les tiges et les racines, quant à elle, minéraliseront plus lentement.$

Des essais ont montré que l'implantation courant août d'un couvert de trèfle incarnat à raison de 15 kg/ha, détruit courant février, permet la fourniture de 60 à 80 kg d'azote par hectare au maïs suivant (Essais Arvalis - Lyon St Exupéry).

En interculture, les légumineuses peuvent être implantées en mélange avec d'autres espèces (avoine, moutarde, phacélie, tournesol…) et parfois en culture pures (pois, féverole, trèfle, vesce…) dans le cas des cutures dérobées. Dans le cas d’une culture intermédiaire piège à nitrates (CIPAN), il est interdit de cultiver des légumineuses en culture pure, toutefois il existe des dérogations pour l’agriculture biologique.

Afin de conjuguer les objectifs de "capitalisation" d'azote et de "piégeage" de l'azote disponible dans le sol, les associations de cultures sont à privilégier ("moutarde + féverole", "avoine + vesce", ...). Elles augmentent les chances de réussite du couvert (développement) et permettent aussi d'augmenter la biomasse produite.

 

Précision sur la technique :

Du fait des cumuls de température nécessaires à leur développement, les légumineuses sont à implanter plus précocement (fin juillet/début août) que les cultures intermédiaires classiques. Par ailleurs, les légumineuses peuvent être plus sensibles à la sécheresse que d’autres cultures intermédiaires.

Un semis à la volée est possible mais il doit être suivi d'un déchaumage superficiel ou d'un roulage pour enfouir légèrement les graines et tasser le sol. 

Les techniques de semis direct ou en ligne sont préférables et permettent de mieux maitriser l'homogénéité du semis.

Le semis du couvert peut également être réalisé pendant la culture précédente au printemps, pour assurer un relais jusqu'à la culture suivante et permettre une production de biomasse plus importante. La réussite d'une implantation en culture relais est très dépendante des conditions climatiques (disponibilité en eau...) et est surtout pratiquée en agriculture biologique (moindre concurrence de la culture commerciale pour la lumière).

Compte-tenu de leur vitesse de développement relativement lente, les légumineuses sont à privilégier pour les intercultures longues (avant culture de printemps).

Afin de valoriser au maximum la capitalisation d'azote et d'éviter tout risque de lessivage d'azote après destruction du couvert, une destruction mi-janvier est nécessaire. Pour des cultures à "semis précoce" (ex. début février pour orge de printemps), une destruction début janvier du couvert est nécessaire, dans le cas d'un semis mi-avril (tournesol, maïs), le couvert pourra être maintenu jusqu'à début février.

Dans tous les cas, la destruction du couvert devra être réalisée 1 à 1,5 mois avant l'implantation de la culture suivante.

 

Mode de valorisation de la technique :

La destruction de la légumineuse après l’interculture restituera de l’azote dans le sol pour la culture suivante si elle n’est pas récoltée.

Un autre mode de valorisation possible consiste à récolter la légumineuse cultivée pour constituer une ressource fourragère (ex : association de graminées et légumineuse).



Période de mise en œuvre
Pendant l'interculture

La mise en œuvre de la technique concerne l'interculture, mais les pratiques en agriculture biologique montrent que le semis peut également être réalisé sous couvert de la culture précédente.



Echelle spatiale de mise en œuvre
Parcelle


Application de la technique à...

Toutes les productions : Généralisation parfois délicate

Sur les cultures à récolte précoce et les légumineuses.

Dans le cas de rotation intégrant des légumineuses comme culture de vente, les espèces hôtes de pathogènes communs (ex. aphanomyces)  sont à proscrire. Il est aussi inutile d'implanter des légumineuses avant une culture de "protéagineux" (pois, lupin, féverole, soja, ...).



Tous les types de sols : Facilement généralisable
La technique est facilement généralisable à de nombreux sols à condition d'adapter le choix des espèces au type de sol, en particulier pour leurs facilités de destruction (espèces gélives ou non).  
Les niveaux de développement des cultures intermédiaires (biomasse produite par hectare) sont fortement influencés par le type de sol, en particulier par la disponibilité en eau du sol (réserve utile).


Tous les contextes climatiques : Généralisation parfois délicate

Cette technique est généralisable à condition d'adapter le choix des espèces au climat : le contexte climatique influence fortement la levée et les niveaux de développement des cultures intermédiaires (biomasse produite par hectare). Les climats plutôt "secs" en été et à l'automne (ex. Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes) ne permettent pas aux cultures intermédiaires de se développer même si elles ont été implantées dans de très bonnes conditions. Dans ce cas, l'objectif recherché par la technique n'est pas rempli.



Réglementation

En zone vulnérable, le 5ème programme d'action de la directive nitrate (2014) impose la couverture des sols pendant deux mois minimums pour les intercultures longues. Les légumineuses sont autorisées en mélange à hauteur de 50% maximum. Les couverts de légumineuses pures sont proscrits en tant que CIPAN mais des dérogations existent en agriculture biologique notamment.

 




2. Services rendus par la technique


Fourniture de nutriments

Stabilité physique et structuration du sol

Régulation et gestion des adventices

Gestion des auxiliaires ennemis des bioagresseurs

Gestion des auxiliaires pollinisateurs

Autonomie fourragère

Autonomie protéique


3. Effets sur la durabilité du système de culture


Critères "environnementaux"

Effet sur la qualité de l'air : Pas d'effet (neutre)


Effet sur la qualité de l'eau : En augmentation

Le couvert capte l'azote, le phosphore, la potasse, et les autres éléments minéraux du sol, et évite leur lessivage. De plus, il existe des effets (encore peu connus) sur la cinétique de dégradation des molécules phytos dans le sol et leur transfert vers les eaux, liés à l'activité microbienne autour de la zone racinaire et à l'augmentation de MO dans les sols (la MO a tendance à favoriser le "stockage" des pesticides dans le sol et limiter leurs transferts vers les eaux).

L'implantation de légumineuses non gélives en interculture peut cependant s'accompagner d'une augmentation du recours aux herbicides pour leur destruction.


Effet sur la consommation de ressources fossiles : Variable

Cette technique engendre une légère augmentation de la consommation en carburant pour le semis ou la destruction du couvert. Cependant, l’apport d’azote par la légumineuse permet de réduire la fertilisation sur la culture suivante, et donc la consommation énergétique et les émissions de CO2 liés à la production d’engrais minéraux (agriculture conventionnelle).




Critères "agronomiques"

Productivité : En augmentation

Normalement, la culture suivante bénéficie de l'amélioration de la fertilité du sol (mais aussi les cultures suivantes si la démarche est répétée et inscrite dans la durée).
Cette amélioration n'est appréciable et importante qu'après plusieurs années de mises en oeuvre de la technique.                                                                             

Attention : en cas de mauvaise gestion des cultures intermédiaires, en particulier leur destruction (mauvaises conditions, destruction partielle, ...), des pertes de rendement peuvent être observées.



Qualité de la production : Pas d'effet (neutre)


Fertilité du sol : En augmentation

Cette technique permet le recyclage des éléments minéraux du sol (N, P, K, …) et activation de l'activité biologique.



Stress hydrique : Variable

L'implantation de cultures intermédiaires peut engendrer des problèmes de disponibilité en eau pour la culture suivante si elles sont détruites trop tardivement ou si le climat automnale et hivernale de l'année ("sec") ne permet pas de reconstituer la réserve utile du sol. Pour éviter tout effet pénalisant, une destruction avant le 15/02 (avant un tournesol, maïs) est à privilégier.                                                                                                                                                              

A long terme, l'introduction systématique de cultures intermédiaires occasionne des effets positifs en contribuant à enrichir le sol en MO, cette pratique est favorable à une augmentation de la capacité du sol à stocker l'eau.



Biodiversité fonctionnelle : En augmentation
Le couvert apportera refuge et nourriture au gibier, aux auxiliaires et pollinisateurs à un moment de l'année où les ressources sont limitées. Le nombre et la diversité des espèces du couvert permet d'augmenter l'impact sur la biodiversité.


Critères "économiques"


Charges opérationnelles : Variable
Cette technique engendre des coûts pour l’achat des semences (40 à 100 €/ha, un peu plus élevé pour les légumineuses que pour les autres espèces), et coût de destruction du couvert, mais diminue les coûts de fertilisants pour la culture suivante et éventuellement d'herbicides (étouffement des adventices).

Charges de mécanisation : Variable

Cette technique engendre une augmentation des charges de mécanisation : semis + destruction du couvert. Les coûts sont variables en fonction des techniques utilisés :   

- semis : de 5 €/ha (semis à la volée + déchaumage) à 40 €/ha (déchaumage + semoir combiné herse rotative)
- destruction : 0 (gel) à 40 €/ha (broyage ou glyphosate).

Cependant, l'effet "restructurant" du couvert permet de limiter le travail du sol pour implanter la culture suivante.

Concernant la consommation de carburant, celle-ci peut augmenter ou diminuer.

Elle augmente si :

- le couvert ne se développe pas ou peu
- le semis/destruction spécifiques au couvert sont consommateurs en carburant (semis en ligne, labour, ...).

Elle diminue si :
- les techniques de semis/destruction sont simples (ex. semis à la volée/couvert gélif)
- le couvert permet de limiter les déchaumages et de réduire les apports d'azote sur la culture suivante
 



Marge : Variable

Cette technique implique des coûts pour l’achat des semences et pour la destruction du couvert.

Cependant, l’azote est recyclé ce qui implique une diminution de l’achat des engrais azotés.

De plus, cette technique permet la structuration du sol et son enrichissement en matière organique ce qui réduit les charges de mécanisation pour le travail du sol.

Le gain de productivité est variable selon la culture suivante et le niveau d'intensification du système : il peut être fort sur des cultures exigeantes et/ou en systèmes à faibles niveaux d'intrants (ex : maïs, AB), mais sera plus faible sur des cultures peu exigeantes (ex : tournesol) et/ou en systèmes intensifs.




Critères "sociaux"


Temps de travail : Variable

Le semis des cultures intermédiaires se fait à un moment où la disposition en main d'œuvre peut être faible (août-septembre) ou en concurrence avec d'autres chantiers (10 à 35 minutes/ha pour l'implantation et 0 à 35 minutes /ha pour la destruction).

L'implantation en culture-relais (sous couvert d'une culture commerciale au printemps) est moins exigeantes en main d'œuvre, mais la réussite est très dépendante des conditions climatiques.



Période de pointe : Pas d'effet (neutre)


Effet sur la santé de l'agriculteur : Pas d'effet (neutre)




4. Organismes favorisés ou défavorisés


Bioagresseurs favorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions

Bioagresseurs défavorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions
adventices MOYENNE adventices Couvrir le sol à l’interculture peut permettre de limiter le développement des adventices par des phénomènes de compétition, d’allélopathie ou de bio-fumigation.

Auxiliaires favorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions
Pollinisateurs MOYENNE Pollinisateurs Le couvert peut servir de refuge aux pollinisateurs
Punaises prédatrices ou granivores MOYENNE Ennemis naturels des bioagresseurs Les légumineuses en interculture peuvent attirer les punaises prédatrices

Auxiliaires défavorisés

Organisme Impact de la technique Type Précisions

Accidents climatiques et physiologiques favorisés

Organisme Impact de la technique Précisions

Accidents climatiques et physiologiques défavorisés

Organisme Impact de la technique Précisions


5. Pour en savoir plus

Minette S. (CRA Poitou-Charentes)
Brochure technique, 2009
Cohan J.P., Pauget J. (Arvalis)
Perspectives agricoles n°380, p44-48, Article de presse, 2011
Thomas F. (TCS)
TCS.n°33, Article de presse, 2005
Le Souder C., Labreuche J. (Arvalis)
Perspectives agricoles n°333, p 63-65, Article de presse, 2007
Minette S. (CRA Poitou-Charentes)
Brochure technique, 2010
Agro-Transfert
Brochure technique, 2017
Jeuffroy M.H. (INRAE)
2017
Auto’N
2018
Delesalle M., (Agro-Transfert RT)
2016
Justes E., Beaudoin N., Bertuzzi P., Charles R., Constantin J., Dürr C., Hermon C., Joannon A., Le Bas C., Mary B., Mignolet C., Montfort F., Ruiz L., Sarthou J.P., Souchère V., Tournebize J., Savini I., Réchauchère O., (INRAE)
Rapport professionnel, 2012

6. Mots clés


Méthode de contrôle des bioagresseurs : Contrôle cultural
Mode d'action : Barrière
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides : Reconception
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Contributeurs

10/06/2021
Marie Hedan - ACTA - Paris (75012)
charge-mission - marie.hedan@acta.asso.fr

08/02/2021
08/02/2021
Emmanuel MÉROT - Chambre d'agriculture des Pays de la Loire
emmanuel.merot@pl.chambagri.fr

01/02/2021
Elise Pelzer - CA Hauts de France
charge-mission - e.pelzer@hautsdefrance.chambragri.fr

18/01/2021
Gentiane Maillet - INRAE - Thiverval Grignon (78850)
ingenieur - gentiane.maillet@inrae.fr

30/08/2017
Lola Leveau - Irstea - Clermont-Ferrand (63000)
ingenieur - lola.leveau@irstea.fr